Grâce au programme de financement de la procréation assistée, le problème des grossesses multiples est «réglé» au Québec. C'est du moins ce qu'affirme la Société canadienne de fertilité et d'andrologie (SCFA), une créature du gouvernement fédéral, qui a dévoilé les résultats des trois premiers mois du programme.  



Selon leurs projections, présentées jeudi par les directeurs des quatre centres de procréation assistée du Québec, on peut s'attendre à ce que le taux de grossesses multiples, actuellement évalué à 30%, diminue à 3,8% en 2011.

François Bissonnette, de la clinique OVO de Montréal, estime que le financement gouvernemental incite à n'implanter qu'un seul embryon à la fois, grâce à quoi on ne dénombrerait que sept grossesses multiples depuis l'entrée en vigueur du programme, en août dernier.

Rencontre réclamée

Toujours selon la SCFA, on peut s'attendre à l'implantation de 4400 embryons dans la première année du programme, ce qui donnerait naissance à 1381 bébés. Ces données ne tiennent toutefois pas compte de la cible du ministère de la Santé, qui prévoit financer un maximum de 3500 cycles de fécondation cette année, avec l'objectif de 8000 en 2015. D'ailleurs, à la clinique OVO, on a annoncé aux patientes à la mi-novembre qu'elles devraient attendre en janvier pour se prévaloir de la gratuité.

Afin de pouvoir dépasser le plafond fixé par le gouvernement, les dirigeants des quatre cliniques réclament en vain, depuis le mois de septembre, une rencontre avec le ministre de la Santé, Yves Bolduc. Le ministre n'a pas encore fait de bilan du programme depuis sa mise en place, il y a trois mois. Pour l'instant, il n'y a donc pas de données ministérielles sur le profil des patientes ni sur le nombre de celles qui sont tombées enceintes ou qui sont toujours en attente. Selon la Société, celles-ci seraient entre 2000 et 2500.

Des données douteuses

Les premières femmes qui sont devenues enceintes grâce au programme de gratuité en sont à environ 20 semaines de grossesse. Leurs bébés verront le jour au mois de mai prochain. Si la SCFA se dit en mesure de prédire le nombre de grossesses multiples, il faudra toutefois attendre pour connaître l'état de santé des nouveau-nés. L'Association des pédiatres du Québec, quant à elle, met sérieusement en doute les données de la SCFA.

«Je viens justement d'avoir une réunion avec les soins tertiaires, et on pense que c'est plutôt le contraire qui est en train de se produire avec les fécondations in vitro, affirme la Dre Pascale Hamel, présidente de l'Association. Il y a plus de jumeaux et de triplés plus que jamais dans nos unités de soins intensifs. À l'hôpital Royal Victoria, par exemple, 80% des bébés hospitalisés proviennent de grossesses multiples, et on en a aussi à la Cité-de-la-Santé, à Laval. Je pense que le programme a précipité l'implantation d'embryons multiples dans les cliniques.»

En outre, les pédiatres, qui redoutent un boom dans les unités de néonatalogie, réclament en vain un registre au ministre de la Santé afin de répertorier les fécondations in vitro (FIV) et les bébés nés du programme. Pour l'heure, il n'y a aucun mécanisme de suivi.