Le gouvernement du Québec est déterminé à appliquer rigoureusement ses règles en matière d'achat de médicaments. Les sociétés pharmaceutiques devront consentir à la Régie de l'assurance maladie du Québec le plus bas prix au Canada.

«Nous allons tout faire, nous allons nous assurer que ces ententes soient respectées. C'est comme ça que l'affaire va se gérer» a soutenu le premier ministre Jean Charest. «Les pharmaceutiques ont pris un engagement ferme de nous donner le prix le plus bas au Canada et c'est ce qu'elles feront», a-t-il tranché.

Bien technique en apparence, cette décision de Québec a des répercussions importantes sur les finances publiques. L'Ontario a annoncé son intention de ne payer les médicaments génériques que 25% du prix du produit breveté. Actuellement, le Québec paie 54% pour un générique, et il en achète pour 750 millions de dollars par année. L'impact de cette décision signifie une économie de plus de 300 millions par année pour les contribuables.

En tout, la Régie de l'assurance maladie du Québec débourse 3,4 milliards par année pour des médicaments, et 80% de cette somme va à des produits d'origine.

Exigé par les médecins

Depuis le printemps dernier, la Fédération des médecins spécialistes réclame que Québec aille dans cette direction.

«L'argumentaire des sociétés est erroné, il n'y a pas de conséquences néfastes pour l'économie», dit le président de la Fédération, Gaétan Barrette. En fait, selon des sources de l'industrie pharmaceutique, bien des multinationales qui produisent des produits brevetés - qui regroupe l'essentiel de l'industrie québécoise, les fabricants de médicaments génériques se trouvent en Ontario - font actuellement des licenciements à Montréal. Ce secteur n'est plus le moteur de développement économique que décrivent les politiciens.

Le conseil d'administration de la Régie de l'assurance maladie du Québec s'est réuni la semaine dernière, mais il a choisi de ne pas tenir compte des développements survenus entre l'Ontario et l'industrie pharmaceutique générique, dans les discussions sur les paramètres du programme d'assurance médicament pour l'année à venir.

La RAMQ doit rendre cette décision publique dans les prochains jours, mais, selon ce qu'a appris La Presse, on s'en tiendra «au statu quo», même si des membres du conseil ont exprimé leur dissidence. L'organisme estime qu'il n'a pas suffisamment de données pour évaluer les conséquences d'une telle décision. La loi est pourtant limpide: les sociétés devraient baisser leur prix au 1er juillet. Mais, pour la RAMQ, la décision de suivre l'Ontario n'est pas prise, et la balle est dans le camp du gouvernement. «On ne commente pas les discussions du conseil d'administration» se borne à dire Marc Lortie, le porte-parole de l'organisme. La RAMQ est aussi à la recherche d'information sur les rabais «secrets» consentis par les pharmaceutiques «brevetées» au gouvernement ontarien.

Les sociétés génériques font actuellement un lobbyisme intense auprès de Québec pour qu'il renonce à emboîter le pas à l'Ontario. Des ristournes importantes sont consenties aux pharmaciens - on prévoit un plafond de 20% des ventes. Une baisse des prix des médicaments génériques encouragera les pharmaciens à substituer massivement des génériques aux médicaments d'origine afin de conserver leurs ristournes. Or, selon les règles, une telle substitution devrait être documentée et approuvée par le patient, explique-t-on.

Recours collectif

Amir Khadir, député de Québec solidaire, croit que les sociétés doivent se plier à la règle du plus bas prix au Canada, «sans quoi on doit leur faire savoir qu'un recours collectif est en préparation», laisse-t-il tomber. Selon lui, les Québécois sont depuis longtemps victimes «de l'escroquerie des multinationales».

Avec les médicaments brevetés, il semble que l'Ontario bénéficie de rabais secrets depuis quatre ans, soutient M. Khadir, une situation «scandaleuse», selon lui.

Dans beaucoup d'autres pays, les gouvernements ont contraint les pharmaceutiques à baisser leurs prix. «On pense à sévir contre les mères seules qui reçoivent de l'aide sociale, on demande aux gens de se serrer la ceinture, et on accorderait de tels avantages aux pharmaceutiques? Le gouvernement a un examen de conscience à faire», dit M. Khadir.

La politique du médicament déposée par le ministre Philippe Couillard prévoit que les sociétés génériques peuvent réclamer des exceptions pour leurs produits: le «prix maximum payable» peut être demandé comme dérogation au «prix le plus bas». Le gouvernement peut y consentir ou refuser, auquel cas le médicament est retiré de la liste des produits remboursés par la RAMQ. Des firmes peuvent faire pari en présumant que le gouvernement préférera garder le produit sur sa liste plutôt que le devoir se rabattre sur le produit breveté à plein prix, explique une source de l'industrie qui a demandé l'anonymat.

Selon Lise Robitaille, directrice du Conseil du médicament, il n'y a pas eu davantage de produits qui ont bénéficié de la dérogation lors de la dernière revue de la liste, le 1er juin dernier. Il est trop tôt pour prévoir les conséquences de l'ajustement des prix en Ontario, mais le Conseil a le mandat de rabattre le prix payé au Québec dès qu'il constate qu'un produit est payé moins cher ailleurs au pays.