Moins de sauce brune salée et plus de légumes verts, présentés assez joliment pour qu'ils soient appétissants pour les patients. Fini les frites et les boissons gazeuses servies aux gens qui vont les visiter ou qui les soignent. C'est une petite révolution que veut mener Québec avec son tout premier cadre de référence pour l'alimentation en milieu hospitalier, dévoilé jeudi.

«On souhaite que chaque établissement se donne des règles pour avoir une saine alimentation qui respecte les besoins de leur clientèle», résume le ministre de la Santé, Yves Bolduc.

La qualité de ce qui se trouve sur le plateau est évidemment ciblée, mais on veut aussi améliorer l'ambiance du repas d'hôpital pour qu'il rappelle au patient un climat familial, plus rassurant. Est-ce la fin de la pomme de terre en purée?

En théorie, oui, puisqu'on recommande d'utiliser plus de produits frais et locaux et d'éliminer les aliments transformés, plus gras et plus salés. Le réconfortant Jell-O, figure emblématique des plateaux d'hôpitaux, est aussi menacé, à moins qu'il ne soit fait avec des jus et des fruits frais afin de répondre aux nouvelles normes provinciales. C'est tout un changement que recommande Québec.

«C'est très bien comme politique. Les recommandations sont exemplaires», estime Denise Ouellet, professeure au département de nutrition de l'Université Laval, spécialiste de la santé en milieu institutionnel.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux ne s'intéresse pas qu'aux plateaux des patients, mais à toute la nourriture servie dans les établissements de santé. Casse-croûtes et machines distributrices compris.

«Des gens qui étaient hospitalisés avaient une alimentation validée par des diététistes pour qu'elle convienne à leurs besoins nutritionnels, relate Yves Bolduc. Mais ça ne les empêchait pas de prendre une liqueur et un chip lorsqu'ils descendaient à la cafétéria en soirée.»

Selon Denise Ouellet, c'était précisément le maillon faible de l'alimentation en milieu hospitalier : «Est-ce que c'est possible de manger santé à l'hôpital ? Certainement, mais à la cafétéria. Il faut que la nouvelle politique s'applique partout. Si on sert des repas nutritifs à la cafétéria, mais qu'à quelques corridors de là il y a de la malbouffe, ça n'a pas de sens.»

Les recommandations élaborées par l'équipe du ministère de la Santé s'appliqueront donc aux dépanneurs et autres restos-minute, même s'ils sont opérés par une entreprise privée multinationale. Certaines recommandations sont très précises et calculent la quantité de sodium, de glucides ou de gras saturés que doivent contenir les aliments offerts.

Qui va payer la note?

Le grand absent de ce plan d'action, qui était attendu depuis longtemps, est l'enveloppe budgétaire.

Peler des pommes de terre, faire rôtir des poulets ou équeuter des fraises en saison demande évidemment plus de manipulations, donc plus de coûts. De même, le plan recommande d'éliminer la vaisselle jetable. C'est à la fois plus de temps de travail pour laver la vaisselle et plus de coûts pour acheter des nouveaux services et de la coutellerie.

Suzie Pellerin, directrice de la Coalition Poids, se réjouit de ce virage important, mais croit que le ministre Bolduc doit l'appuyer des ressources nécessaires. Sans quoi les recommandations ne sont pas réalistes. «Il y a de très beaux principes dans ce plan, dit-elle, mais est-ce que les établissements en auront les moyens?»

Le ministre Bolduc, lui, assure que les établissements de santé ont déjà tout l'argent qu'il faut pour se conformer à la nouvelle politique. Ils doivent déjà consacrer 2% de leur masse salariale à la formation, ce qui devrait permettre à leurs employés d'être mieux outillés pour le virage santé.

«Ce n'est pas parce qu'on demande d'avoir une alimentation saine qu'il faut nécessairement ajouter beaucoup d'argent dans le réseau de la santé», indique le ministre. Chaque établissement doit adapter les recommandations à ses réalités, un établissement de soins de longue durée n'ayant évidemment pas les mêmes besoins qu'un centre des naissances. Les établissements ont jusqu'à mars 2012 pour s'y conformer.