La femme nommée pour faire la lumière sur l'éclosion de listériose mortelle de l'été dernier est en conflit d'intérêts, et n'est pas en mesure d'évaluer avec crédibilité l'origine des défaillances des mesures de protection du public, soutiennent des membres de l'opposition et d'autres critiques.

Le Parti libéral, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique réclament tous une enquête judiciaire en bonne et due forme sur le désastre, mettant en cause des installations de la compagnie Aliments Maple Leaf.

Mais le premier ministre Stephen Harper, en nommant Sheila Weatherill plus tôt cette semaine, l'a seulement chargée de diriger «une enquête indépendante». L'ex-présidente et PDG de la Capital Health Authority, à Edmonton, en Alberta, l'un des plus importants systèmes universitaires intégrés de santé au Canada, a été choisie alors qu'elle travaille déjà pour le comité consultatif du premier ministre sur le renouvellement de la fonction publique. Dans cette fonction, son mandat est notamment de rafraîchir «l'image de marque» de la fonction publique, en la présentant comme une institution fiable et innovatrice d'importance nationale.

Certains se demandent comment Mme Weatherill peut faire ce travail tout en dirigeant une enquête visant à établir si les instances fédérales chargées d'assurer la salubrité des aliments ont trahi la confiance du public.

«Elle peut être soit une meneuse de claque pour la fonction publique, soit une enquêteure indépendante de la fonction publique, mais pas les deux en même temps», soutient le chercheur, avocat et biologiste Amir Attaran, de l'Université d'Ottawa. En n'en tenant pas compte, une fois de plus, M. Harper n'a pas placé son gouvernement à l'abri des conflits d'intérêts, a-t-il dit.

M. Attaran a cosigné un éditorial du Journal de l'Association médicale canadienne, paru en octobre dernier, qui accusait des «erreurs de politiques du gouvernement» d'avoir contribué à faire éclore la listériose. L'article mentionnait qu'à la suite de changements au régime de surveillance gouvernementale, le Canada applique maintenant des normes parmi les moins rigoureuses des pays développées en matière de Listeria, et réclamait aussi la tenue d'une commission d'enquête publique sur le système canadien d'inspection des aliments.

Vingt personnes sont mortes après avoir contracté la listériose. Mme Weatherill est censée remettre son rapport au ministre de l'Agriculture Gerry Ritz pour le 20 juillet, soit quatre mois plus tard que le délai initialement prévu quand M. Harper s'était engagé à ouvrir une enquête, en septembre dernier, peu de temps avant de déclencher des élections.