Un règlement contre les masques, c'est bien. Mais un règlement contre les injures aux policiers, ce serait encore mieux. La Fraternité des policiers de Montréal estime que des règles interdisant d'insulter un agent permettraient d'éviter l'escalade des tensions avec les manifestants.

«C'est un instrument qui permettrait aux policiers d'agir avant que la situation ne dégénère, si on arrête les injures dès le début», expose Yves Francoeur, président de la Fraternité. Selon lui, Montréal est l'une des rares grandes villes à ne pas avoir de règlement en ce sens. Ces règles seraient utiles non seulement dans le cadre des manifestations qui sévissent depuis plus de trois mois, mais aussi pour calmer les esprits à la sortie des bars, car la tension grimpe souvent avec les fêtards du boulevard Saint-Laurent depuis quatre ans.

L'interdiction d'insulter les policiers n'est pas envisagée, a toutefois précisé hier Martine Painchaud, porte-parole du maire Tremblay. La question n'a pas même été considérée lors de la révision des règles entourant les manifestations.

Yves Francoeur est toutefois fort satisfait de l'adoption du règlement antimasque, même s'il a peu été utilisé depuis son entrée en vigueur, samedi. La Fraternité réclamait de telles règles depuis une douzaine d'années. En février 1999, un policier a perdu un oeil après avoir reçu une pierre au visage lors d'un affrontement avec des manifestants kurdes.

Loi difficile à appliquer

Yves Francoeur admet par ailleurs que la loi d'exception adoptée la semaine dernière est difficile à appliquer, notamment lorsque des milliers de manifestants se rassemblent. «C'est sûr que, d'un point de vue pratico-pratique, ce n'est pas possible de remettre une contravention à tout le monde. Mais il y a des organisateurs et on s'attend à ce que ces leaders agissent de façon responsable.»

Le président de la Fraternité ajoute toutefois que remettre les constats prescrits par la loi spéciale doit se faire de façon prudente. Une intervention des policiers dans une foule pour en arrêter les organisateurs pourrait facilement déraper. «Pourquoi risquer des blessures à nos policiers ou aux citoyens dans la foule en intervenant en force quand on sait qu'un dirigeant a une adresse fixe? On n'est pas pour ajouter de l'huile sur le feu», expose Yves Francoeur.

Malgré la fatigue des policiers de Montréal, le chef syndical assure que le moral reste bon. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) travaillerait à un plan pour augmenter l'effectif de contrôle des foules au cours de l'été, car la période des vacances risque de dégarnir ses rangs.

Aux manifestants qui accusent le SPVM de servir les intérêts du gouvernement, Yves Francoeur proteste: «Une police politique, ça n'existe pas.»

«L'État passe des lois et on n'est pas là pour dire si elles sont bonnes ou pas.» Il dit craindre que le débat se polarise entre étudiants et policiers. «Nous, on n'est pas partie au débat. On a une mission, c'est de maintenir la sécurité publique à Montréal.»

Hausse des plaintes en déontologie policière

Les plaintes en déontologie policière ont augmenté de 27% depuis le début de l'année, en très grande partie en raison du conflit étudiant. Les violentes manifestations de la fin de semaine pourraient faire grimper davantage ces statistiques, car le Commissaire ne peut plus recevoir de dénonciations depuis lundi en raison d'une attaque virtuelle qui a paralysé son site internet. Depuis le début de l'année, le bureau du Commissaire à la déontologie policière a reçu 916 plaintes. C'est 193 de plus qu'à pareille date l'an dernier.