Un Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDI-TED) menace de demander la déchéance de la charge d'une mère responsable de son fils autiste de 20 ans, qui tente d'obtenir, depuis plus de deux ans, la rédaction et la mise en oeuvre d'un protocole pour diminuer le nombre d'heures durant lesquelles il est attaché à son lit par jour. La famille s'oppose à son transfert vers une unité d'hébergement qui traite des cas plus lourds de problèmes de comportement, car elle juge qu'il n'a pas encore reçu les services auxquels il a droit. Par la voix de ses avocats, le CRDI rétorque que le choix d'une ressource d'hébergement relève exclusivement de la décision de l'établissement et que le consentement de l'usager n'est pas requis.

Sylvie et Denis* sont les parents d'Alexis, jeune homme atteint d'autisme et d'une déficience intellectuelle moyenne. À l'adolescence, Alexis a commencé à avoir des comportements d'autoagression. Depuis 2004, il se frappe le visage avec ses poings ou sur des surfaces. Épuisés par des nuits sans sommeil passées à l'empêcher de se blesser, ses parents ont eu recours à des mesures de contention.

La contention est légalement encadrée par la Loi sur la santé et les services sociaux. Il s'agit d'une mesure de protection pour éviter qu'un patient se blesse ou s'en prenne à autrui. Essentiellement, le patient est attaché aux bras, aux poignets, aux jambes ainsi qu'à la taille.

En mars 2009, Alexis est admis à la Maison Lily Butters, résidence spécialisée dans les troubles graves du comportement située à Saint-Hyacinthe, où la contention s'est poursuivie. La ressource relève du centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissant du développement (CRDI-TED) de la Montérégie-Est.

La mission de la Maison est d'évaluer, de stabiliser et de réorienter une personne en état de désorganisation ou qui a un problème grave de comportement.

En 2010, le CRDI a voulu déménager Alexis à l'unité Saint-Charles, milieu d'hébergement situé à l'intérieur de l'hôpital Honoré-Mercier. L'unité offre un encadrement plus important pour les usagers dont la réadaptation est plus longue ou complexe.

Pas de plan à long terme

Or, les parents déploraient dès cette époque qu'un véritable plan d'intervention à long terme, destiné notamment à réduire le nombre d'heures de contention, n'ait jamais été couché sur papier. Seul un «plan d'intervention sommaire», en d'autres mots temporaire, a été rédigé, et ce, près de cinq mois après son arrivée.

Puisque «peu de travail» avait été réalisé pour «stabiliser» Alexis, les parents ont jugé que son transfert lui portait préjudice, car le CRDI-TED n'avait pas rempli sa mission.

Entre-temps, une batterie de tests médicaux avait révélé qu'Alexis souffrait de problèmes gastriques graves. Lorsqu'ils ont été traités, ses comportements d'autoagression ont beaucoup diminué. Par ailleurs, le travail d'une éducatrice dans les quatre premiers mois à la Maison Lilly Buters aurait permis de diminuer le nombre d'heures de contention. Lorsque cette employée est partie, les parents affirment que les mesures n'ont pas été poursuivies.

«Nous croyons qu'il est légitime de croire que si elles avaient été maintenues, notre fils aurait eu une chance d'être déménagé vers un milieu d'encadrement plus léger», expliquent les parents dans une correspondance avec le CRDI.

Le transfert d'Alexis a été repoussé à plusieurs reprises. Le déménagement est maintenant prévu à la fin de l'été. Ses parents s'y opposent toujours et reprochent au CRDI de ne jamais avoir signé un plan de décontention formel et personnalisé.

Un avocat à la rescousse

La situation s'est dégradée. En mars dernier, le couple a eu recours aux services d'un avocat. «Les interventions complexes de la décontention généreront un stress immense et il lui sera alors impossible de gérer à la fois l'adaptation à une nouvelle ressource et les interventions exigeantes qu'implique la décontention», peut-on lire dans une lettre de leur procureur adressée au CRDI. Dans la lettre, les parents affirment que si le CRDI décide d'agir «unilatéralement», ils utiliseraient des moyens juridiques pour que leur fils reçoive des services adéquats.

Les procureurs du CRDI-TED de la Montérégie-Est ont répondu dans une lettre où ils déclarent qu'une rencontre entre l'établissement et la mère est prévue afin de procéder à la révision du plan d'intervention. «Advenant un refus de la curatrice à la personne [statut légal de la mère puisque son fils est adulte] de signer le plan d'intervention révisé lors de la rencontre, l'établissement procédera au transfert de l'usager puisque le consentement de la curatrice à la personne n'est pas requis», peut-on lire dans cette lettre qui précise aussi que la contention n'est pas considérée comme un «soin».

«Dans l'éventualité d'une demande de congé pour l'usager par la curatrice privée, nous aviserons le curateur public afin qu'il exerce son pouvoir d'intervention en lui faisant état d'un refus injustifié de la curatrice à la personne à des services pour l'usager pour lesquels les services cliniques dispensés par l'établissement doivent se poursuivre, compte tenu de son état actuel, aux fins d'une déchéance de charge de la curatrice à la personne», poursuit la missive.

«C'est grave, c'est la menace de m'enlever le droit de voir au bien-être de mon enfant, je trouve cela épouvantable. On ne peut pas être des parents plus aimants et plus engagés qu'on l'est», a déploré Sylvie en entrevue avec La Presse.

Position de l'administration

Il n'a pas été possible de parler du dossier d'Alexis avec les administrateurs du CRDI-TED Montérégie Est, et ce, malgré l'autorisation formelle des parents. «Je n'ai pas à discuter de situations particulières», a affirmé la directrice des services professionnels, Martine Gagnon. Elle a toutefois précisé que les orientations ministérielles visent à diminuer, voire à éliminer la contention.

«Il peut arriver à certains moments qu'il soit nécessaire de déplacer un usager vers un milieu résidentiel qui est le plus approprié où l'expertise nécessaire est présente. On va quand même maintenir un plan d'intervention, mais pour avoir une intervention plus spécialisée, il va falloir orienter vers un autre milieu. Parfois, on attend parce que l'on n'a pas la place ou parce qu'il reste des éléments à travailler», a-t-elle déclaré.

* La famille a demandé que les noms de famille soient anonymes.