Chaque fois qu'une nouvelle crise secoue l'Eglise, les demandes d'informations sur l'apostasie affluent auprès du Mouvement laïque québécois.

Avec les scandales sexuels qui continuent d'éclabousser l'Eglise catholique et les sorties du pape Benoit XIV qui se confond en repentir, la page Internet où est enregistrée une lettre type d'apostasie génère un plus grand nombre de clics.

«Lorsque l'Eglise est ébranlée, on constate que la page sur l'apostasie est plus visitée et nous recevons aussi un plus grand nombre de courriels et de lettres», a confirmé la présidente du mouvement, Marie-Michèle Poisson.

Malgré la honte exprimée par le souverain pontife pour des gestes perpétrés par des prêtres, certains catholiques ont perdu la foi envers l'institution que représente toujours l'Eglise. Une partie de ces personnes frappe à la porte du Mouvement laïque québécois.

L'organisme se défend de prendre position au sujet de l'apostasie et ne cherche pas à faire la promotion de cette démarche personnelle qui consiste à rompre avec l'Eglise. Il dit plutôt d'offrir de l'information dans le but de rendre service à des gens qui s'adressaient à lui de toute manière.

L'apostasie, à titre d'acte officiel, requiert une démarche qui l'est tout autant. Le processus relativement rapide consiste à écrire une lettre dans laquelle on précise son renoncement à sa foi.

En 2007, le comédien André Montmorency a décidé de faire son apostasie ouvertement, incitant même d'autres catholiques à emboîter le pas. Il avait posé son geste d'éclat à la suite d'une lettre ouverte du cardinal Marc Ouellet, qui exprimait que certains religieux avaient fait preuve d'étroitesse d'esprit notamment envers les homosexuels.

«C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Je trouvais ça d'une telle hypocrisie et qui venait de gens qui sont censés donner l'exemple. Tout cela me révoltait», a expliqué le comédien.

Cette ambiguïté de l'image est responsable de la confusion qui persiste à l'heure actuelle et des sorties répétées pour tenter de contenir le chapelet de réactions à la culture du silence dans les rangs de l'Eglise, a estimé un chercheur au Centre d'information sur les nouvelles religions (CINR), Alain Pronkin.

«Cette nouvelle crise affecte tout le monde dans l'Eglise, notamment parce qu'en tant qu'institution humaine, elle est attachée à des valeurs. Cela dit, l'Eglise traîne aussi une image «corporative» qui fait en sorte qu'elle tente de sortir de la crise pour préserver l'image qu'elle incarne», a-t-il affirmé.

Apostasié, André Montmorency suit la présence crise avec intérêt. Il s'est dit curieux de voir qu'elle en sera l'issue et a insisté en disant que son rejet de l'Eglise ne concerne ni la foi ni la reconnaissance qu'il a toujours envers des religieuses pour lesquelles il conserve une certaine affection.

«Je ne dis pas que je ne crois pas au Christ, au contraire, ce que je dis c'est que nous n'avons pas besoin d'une Eglise instituée avec des gens qui se donnent un pouvoir pour y croire. Je suis tout ça comme un téléroman», a-t-il nuancé.

Cette position est corroborée par Marie-Michèle Poisson du Mouvement laïque du québécois et professeur de philosophie. «Les gens veulent se dissocier de l'organisation, ce qui ne veut pas dire qu'ils cessent de croire. Plusieurs continuent de s'identifier au message de Jésus Christ, mais veulent marquer leur détachement avec l'Eglise.»

Malgré une procédure simple et un nombre élevé de non pratiquants, Alain Pronkin a précisé que la rupture finale avec l'Eglise demeure un geste que posent peu de catholiques.

Pour lui, l'action d'apostasier est un geste à la fois philosophique et politique qui reste isolé. Les quelques abjurations ne constituent d'ailleurs le principal problème de l'Eglise, selon lui.

«Le mouvement de désertion des églises s'est amorcé depuis le début des années 60 et la pratique religieuse ne diminue pas qu'au Québec, mais aussi en Europe», a observé le chercheur du CINR.

Relativement d'accord sur ce point, Mme Poisson a rapporté que ce sont les religions organisées qui connaissent un déclin, au profit de nouveaux courants, de la naissance d'une forme de spiritualité autonome ou encore d'une absence complète de spiritualité. Elle déplore cependant de ne pas avoir d'indications statistiques plus précises.

«En fait, ce que nous aimerions savoir c'est quelle est la ferveur religieuse réelle des gens. Les statistiques font toujours état de 80 pour cent de personnes d'ascendance catholique au Québec, mais pour plusieurs il ne s'agit que d'un catholicisme culturel pour des cérémonies et des rites qui encadrent des parties de l'existence, sans pour autant s'appuyer sur une véritable pratique», a exprimé Marie-Michèle Poisson.

Des données difficiles à obtenir

Contrairement aux baptêmes et aux mariages, l'information sur les demandes d'apostasie est une donnée non publique.

Au diocèse de Montréal, toutes ces demandes sont classées confidentielles. Il n'existe donc aucune information disponible et aucun chiffre à fournir.

Un porte-parole diocésain a spécifié que lorsque surgit une demande d'apostasie, une démarche pastorale s'enclenche automatiquement afin de bien préciser à quelles conséquences canoniques s'exposent cette personne. Il a cité notamment la fin des sacrements, le refus d'être parrain ou marraine et l'impossibilité d'être inhumé dans un cimetière catholique.

Associée à l'Eglise, l'apostasie n'est pas propre de la foi chrétienne, en fait quelle que soit la religion reçue, il est possible d'apostasier.

«On le voit avec l'islam d'ailleurs où la procédure d'apostasie est documentée, mais surtout entraîne des conséquences considérable», a mentionné Alain Pronkin.

Il a rappelé le cas de Abdul Rahman Jawed, inculpé d'apostasie en mars 2006, en Afghanistan. L'homme était passible de la peine de mort en vertu de la charia pour sa conversion au christianisme. Cet homme doit aujourd'hui la vie au pape Benoît XVI , après que celui-ci ait demandé sa grâce, par lettre, au président afghan Hamid Karzaï.

«Dans certaines régions du monde, l'acte d'apostasie est puni puisque quitter l'Islam est considéré comme une trahison. En Somalie et en Arabie Saoudite les personnes qui prennent cette décision sont passibles de décapitation, alors qu'en Libye, le rejet de l'Islam peut être sanctionné par la perte de la citoyenneté», a indiqué le chercheur.