Chaque année depuis 10 ans, François Vallières trouve des centaines de plants de cannabis dans son champ de maïs. Des planteurs de marijuana squattent les terres de ce producteur laitier de Saint-Rémi-de-Tingwick, dans la région du Centre-du-Québec.

«Ça me dérange que des gens viennent jardiner sur mes terres, dit-il. C'est une intrusion. Cette année, j'ai arrosé tous les plants d'herbicide en même temps que mon blé d'Inde. Il y a deux ans, je suis passé dedans avec ma batteuse. J'en ai aussi passé dans l'ensileuse.»

Il y a trois ans, la Sûreté du Québec a confisqué 1000 plants sur son terrain. «Des gens qui font pousser une telle quantité de pot, ce ne sont pas des enfants d'école. Ils ont les moyens de le protéger. Ce qui me stressait, c'est que la cache de chasse de mon cousin était à 600 pieds des plants. Je n'aurais pas voulu qu'il tombe sur un piège.»

Des traces de VTT

Roger (nom fictif) est propriétaire de 72 acres de terrain dans les Cantons-de-l'Est où se trouve son chalet. L'an dernier, il est tombé sur une ancienne plantation de cannabis découverte par la police.

«Il y avait des traces de VTT et de machinerie. L'herbe était couchée et ce n'était pas normal. J'ai suivi la trace et je suis tombé sur des fanions jaunes de la SQ.»

Cette année, il a encore trouvé une plantation, un peu plus loin dans le bois. «Ça me fâche parce que c'est mon terrain! s'insurge-t-il. Je veux que ma famille puisse se promener en toute sécurité. Je ne veux pas rencontrer quelqu'un qui fait pousser du pot et qui pourrait être agressif.»

Contrats sociaux

La culture de marijuana se fait souvent à l'insu des agriculteurs, confirme la porte-parole de la Sûreté du Québec, le sergent Joyce Kemp. La SQ leur demande de signer un contrat social pour permettre aux policiers de se rendre sur leur terrain sans mandat.

«Le document permet d'intervenir plus rapidement, dit-elle. Pour pouvoir éradiquer des plants sur un terrain privé, il faut demander à un juge. Avec le mandat, on n'a pas besoin de l'autorisation des propriétaires pour faire une perquisition.»

Les contrats sociaux permettent aussi de contourner l'intimidation dont peuvent être victimes les propriétaires, selon le conseiller aux affaires publiques de l'Union des producteurs agricoles, Patrice Juneau. «Ce qui intéresse les agriculteurs, c'est de se débarrasser de ce problème, affirme-t-il. Les policiers peuvent intervenir à tout moment. Le producteur se retire carrément de l'équation.»

Le sergent Kemp rappelle que la SQ compte aussi sur l'aide de la population pour arrêter les planteurs. «Il y a beaucoup d'interventions qui sont lancées à la suite d'informations données de façon confidentielle ou pas.»

Même s'il n'a pas signé le contrat social, la police n'a pas averti Roger avant de procéder à la perquisition. «Ce qui m'étonne le plus, c'est que la SQ ne m'a même pas laissé de note dans ma boîte aux lettres. C'est le jeu du chat et de la souris sur mon terrain.»