Les syndicats du secteur public prédisent un véritable exode vers la retraite d'employés qui voudront éviter les nouvelles dispositions envisagées par le gouvernement Couillard. Pour le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, ces départs resteront peu nombreux, avec moins de 5000 retraites devancées. «Ce sera marginal», prédit-il.

Le ministre Coiteux affirme ne pas avoir de simulations formelles prédisant le nombre des employés qui décideront de raccrocher leurs patins, alors que Québec a annoncé, cette semaine, son intention de rendre la retraite moins attrayante. «Il y a 15 000 personnes qui partent chaque année. Il est possible qu'il y ait quelques devancements dans les deux prochaines années, 2000 ou 5000 de plus. C'est marginal», lance le ministre dans une entrevue accordée jeudi à La Presse.

«Il est possible que quelques personnes décident de hâter leur départ, mais il se peut aussi que d'autres décident de prolonger», selon lui. Certains se diront peut-être qu'il vaut mieux faire «quelques mois de plus» pour atteindre la pleine retraite après 35 ans de service, risque-t-il.

On est, selon lui, bien loin des 37 000 départs déclenchés par le programme de retraites accélérées mis en place sous Lucien Bouchard en 1997. «À l'époque, on voulait équilibrer les finances publiques précisément grâce à ces départs à la retraite. Il y en avait 8000 par année et on avait presque quadruplé ces chiffres», rappelle M. Coiteux. Le gouvernement avait alors largement sous-estimé le ras-le-bol de ses employés. Ils avaient été deux fois plus nombreux que prévu à se présenter à la sortie.

«Nous, ce n'est pas notre plan de match. On ne veut pas précipiter des départs», insiste-t-il. L'accroissement de l'espérance de vie fait grimper rapidement le coût du régime : les syndiqués qui payaient 5% de leur salaire pour leur cotisation au régime il y a dix ans en paient actuellement 12,75% et seront bientôt à 15% si un coup de barre n'est pas donné. Le gouvernement y va d'une contribution identique, qui dépasse le milliard par an. «Pour prévenir cette explosion des coûts, on fait des propositions quand même acceptables», martèle M. Coiteux. «Cela leur enlève de l'argent de poche à chaque paye!», insiste-t-il. Il ne doute pas que le ton des négociateurs syndicaux sera moins tranchant que celui de leurs dirigeants, cette semaine. «On ne peut pas faire ce qu'on a fait pour les garderies, les municipalités, les médecins et aller signer une convention collective qui va nous ajouter 3 milliards d'obligations», résume-t-il.

Dans ses propositions cette semaine, Québec fait passer de 60 à 62 ans l'âge minimum pour pouvoir prendre sa retraite sans pénalité actuarielle.

En outre, il propose que la rente de départ soit calculée sur la base des huit dernières années à l'emploi - au lieu de cinq comme aujourd'hui. Enfin, la pénalité actuarielle passerait de 4,2 à 7% par an pour ceux qui devancent leur départ. Beaucoup de régimes publics ont repoussé l'âge de la retraite, parfois jusqu'à 67 ans, observe M. Coiteux.

Il soutient ne pas être surpris des réactions véhémentes des centrales au dépôt des offres patronales cette semaine. «C'est un peu normal qu'au début d'une négociation, les syndicats souhaitent camper leurs positions», observe-t-il. Pour lui, les leaders syndicaux ne devraient pas être surpris, puisque dès septembre, on leur avait fait le tableau de la situation financière du gouvernement. M. Coiteux reconnaît toutefois que jusqu'à cette semaine, jamais Québec n'avait laissé entrevoir qu'il réviserait le régime de retraite des employés de l'État.

Hausses salariales «déconnectées»

Le ministre clame «ne pas être content de ce [qu'il voit]», alors qu'on apprend que les employés d'Hydro-Québec bénéficieront de hausses salariales de 12,4%, dont 4,2% dès le 1er janvier prochain. Au même moment, les employés de l'État se font offrir un gel salarial de deux ans. «C'est déconnecté de la réalité actuelle. Je ne pense pas que cela corresponde à la réalité», tranche M. Coiteux, rappelant que cette augmentation avait été accordée en 2013, non pas par le gouvernement actuel, mais par celui de Pauline Marois, qui avait prédit l'équilibre budgétaire en 2013-2014. «Je ne suis pas heureux de voir ça, mais on ne peut pas revenir sur des choses qui ont été signées», dira-t-il.

Il élude les questions quand on lui demande si l'obligation de décréter ultimement les conditions de travail serait, pour lui, un échec personnel.

En 2005, le gouvernement Charest avait dû imposer les conditions de travail ,faute d'entente avec le Front commun. «Le succès est d'en arriver à une entente, sur la base de propositions réalistes. Les syndicats proposent de hausser les impôts, et il n'en est pas question.»

Sur les négociations à venir avec les policiers de la Sûreté du Québec, il y a des principes «vers lesquels on doit tendre». La contribution des policiers ne correspond qu'au tiers de leur régime de retraite, alors que tous les autres employés versent la moitié. Il y a l'objectif général et la vitesse à laquelle on peut y arriver, observe le ministre Coiteux.