Parce qu'ils auraient décidé en cachette de fermer la centrale nucléaire Gentilly-2 tout en dénonçant le fait que les péquistes veuillent faire la même chose, les libéraux doivent s'excuser, croit le ministre de l'Environnement Yves-François Blanchet.

«Chaque intervention, chaque phrase, chaque mot, chaque virgule, tout était faux», lance-t-il au sujet des députés libérales de la Mauricie, Danielle St-Amand et Julie Boulet, qui répétaient lors de la dernière campagne électorale vouloir protéger la seule centrale nucléaire du Québec. Les péquistes promettaient de la fermer, une décision impopulaire en Mauricie. «C'est une décision assassine pour notre région», a même déjà accusé Mme St-Amand.

Ils ont été élus sous de faux prétextes, dénonce M. Blanchet. Le ministre croit que la décision de fermer Gentilly-2 avait déjà été prise sous le gouvernement libéral. Le 14 mai 2012, Hydro-Québec informait Énergie atomique Canada (EACL) qu'elle suspendait les travaux de réfection, rapportait cette semaine Le Devoir. La raison: la société d'État mettait fin au contrat de retubage avec EACL, car elle ne réussissait plus à remplir ses obligations. Elle a alors encaissé une caution de 75 millions de dollars. Le quotidien conclut à partir de cette information que la réfection devenait impossible et que le gouvernement libéral a décidé alors de facto de fermer la centrale. Et ce, même s'il répétait publiquement que la décision n'était pas prise, et qu'il avait un préjugé favorable pour la réfection. La durée de vie de la centrale prenait fin le 31 décembre 2012, et il fallait choisir entre sa réfection ou sa fermeture.

Or, même si les travaux étaient suspendus et devenaient difficiles à réaliser, on ne peut pas conclure qu'ils n'auraient jamais été faits, insiste le chef intérimaire du Parti libéral, Jean-Marc Fournier. Il explique que Hydro a pris une décision sur la gestion des travaux. Cette décision ne doit pas être confondue avec celle de fermer la centrale, qui relève du gouvernement. Et cette décision-là n'avait pas été prise, assure le chef libéral.

La preuve, selon lui, résiderait dans le rapport financier du troisième trimestre d'EACL. On y écrit que c'est seulement en octobre, à la suite de l'annonce du gouvernement (péquiste), que Hydro-Québec a officiellement résilié son contrat avec EACL.

En 2008, le gouvernement libéral décidait de procéder à la réfection de la centrale. Mais cette décision a été suspendue à cause de deux événements: la catastrophe à Fukushima au Japon et les dépassements de coûts à la centrale jumelle de Pointe Lepreau au Nouveau-Brunswick. Deux rapports ont été commandés pour en évaluer la conséquence sur les exigences de sécurité et les estimés de coûts. Les travaux étaient fortement ralentis en attendant les études.

Selon le ministre Blanchet, les travaux étaient «irrémédiablement interrompus» à cause de la fin du contrat avec EACL. Il est «impossible» que les libéraux l'aient ignoré.

Si la décision avait été prise le printemps dernier, une autre question se pose, selon la Coalition avenir Québec: celle de la responsabilité d'Hydro-Québec. Son chef François Legault croit que le patron de la société d'État, Thierry Vandal, aurait dû mentionner cette information. Il continue de dire à mots couverts que la première ministre Pauline Marois doit congédier M. Vandal. Mme Marois et M. Blanchet ont assuré qu'ils faisaient encore confiance à M. Vandal.

Si la société d'État avait agi ainsi, ce serait «grave», croit le libéral Pierre Paradis. «Je pense qu'ils ne peuvent pas», a-t-il ajouté. Le ministre Blanchet soutient de son côté que la société d'État a avant tout la responsabilité de communiquer avec son actionnaire, le gouvernement. Ç'aurait donc été aux libéraux de dévoiler cette décision.

Dépassements de coûts et silence libéral

L'automne dernier, Hydro-Québec a remis son rapport final sur Gentilly-2.  Elle y recommandait la fermeture car la réfection ne serait plus rentable. Elle aurait coûté 4,3 milliards de dollars selon la plus récente estimation de coûts. Soit plus du double de ce qui était prévu en 2008. Le printemps dernier, le gouvernement libéral assurait que la dernière estimation connue était de 1,8 milliard. Mais M. Vandal a affirmé qu'il était de «notoriété publique» que cette évaluation dépassait alors 3 milliards.