Les libéraux fédéraux évitent de se prononcer sur les propositions du premier ministre désigné François Legault en matière d'immigration, plusieurs ministres du gouvernement Trudeau suggérant que le chef caquiste ne livrera peut-être pas la marchandise.

Ottawa est concerné par ce débat, le dirigeant de la Coalition avenir Québec (CAQ) ayant affirmé à maintes reprises qu'il reviendrait au gouvernement fédéral de décider du sort des immigrants qui échoueraient des tests de français et de valeurs qu'il compte leur faire subir.

Au gouvernement fédéral, on avait généralement refusé (à une exception près) de s'inviter dans le débat, histoire de ne pas s'ingérer dans le processus électoral. Le triomphe caquiste de lundi soir n'a toutefois guère délié les langues, mardi, pas même celle de Justin Trudeau.

«On ne va pas toujours être d'accord sur tout; ce serait bien plate si tous les premiers ministres étaient toujours d'accord», s'est contenté d'offrir le premier ministre en marge d'une annonce à Vancouver, esquivant deux questions portant directement sur l'immigration.

Il n'a ainsi pas voulu indiquer s'il partageait le même malaise qu'avait exprimé sa ministre Diane Lebouthillier sur les velléités caquistes d'expulser les immigrants qui n'ont pas appris le français et réussi un test de valeurs dans un délai maximal de quatre ans.

La Gaspésienne avait été la seule à monter au front, alors que la campagne battait toujours son plein, mercredi passé: «La proposition de la CAQ, je ne peux pas être d'accord avec ça. Je pense qu'au Canada, il y a des règles au niveau de l'immigration».

Mardi, la ministre Lebouthillier a affirmé que le gouvernement fédéral allait «expliquer» au premier ministre québécois quelles sont les «règles», notant que «même lui (M. Legault) l'a dit, qu'il avait peut-être une méconnaissance au niveau de l'immigration».

Les contours du plan caquiste se définissaient au fur et à mesure que la campagne progressait. Dans la dernière portion du marathon électoral, le chef affirmait que les nouveaux arrivants pourraient passer les tests «autant de fois qu'ils le veulent», jusqu'à ce qu'ils les réussissent.

Après avoir commis deux impairs en deux jours alors qu'il répondait à des questions sur le fonctionnement du système d'immigration, François Legault s'était montré plus réticent à discuter de sa proposition, et il avait envoyé la balle dans le camp d'Ottawa.

Les ministres doutent

Dans les couloirs du parlement fédéral, en ce lendemain de victoire caquiste à Québec, des élus libéraux ont laissé entendre que le chef de la CAQ pourrait reculer sur cette promesse électorale controversée.

«Gouverner est différent que faire une campagne électorale», a commenté le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, notant que le temps serait bientôt venu pour le futur conseil des ministres caquiste «de prendre des décisions et d'élaborer des politiques».

Il n'a pas plus voulu dire ce qu'il pensait des propositions de François Legault, plaidant qu'il souhaitait «comprendre exactement leur plan» et rencontrer «vite» la personne qui héritera du portefeuille de l'Immigration.

Sa collègue Mélanie Joly a fait part de son intention de profiter d'une rencontre au Sommet de la Francophonie, qui se tient la semaine prochaine, pour parler au premier ministre désigné «de l'importance de la Francophonie, mais aussi de la Francophonie dans toute sa diversité».

«Notre position a toujours été claire sur cette question-là: on valorise l'importance de la diversité», a-t-elle fait remarquer en entrevue.

Quant au ministre François-Philippe Champagne, il a exprimé des doutes sur l'adéquation entre la promesse caquiste de faire passer temporairement de 50 000 à 40 000 les seuils d'immigration et la situation de l'emploi au Québec.