Des candidats à la direction du Parti conservateur partagent l'inquiétude de l'ancien chef du Parti réformiste, Preston Manning, quant au danger d'importer au Canada un discours populiste à la Donald Trump.

À l'issue d'un autre débat à la chefferie, vendredi, certains des 14 candidats ont prévenu qu'il pourrait être périlleux et néfaste pour le parti de reprendre ce type de rhétorique.

«C'est clair, je pense que c'est un grand défi pour tous les politiciens, pour tous les candidats dans cette course», a affirmé en point de presse le député Michael Chong.

«On a une responsabilité d'utiliser nos positions d'une manière constructive et pas de proposer des choses qui donnent plus de peur et de haine dans la population», a ajouté l'élu ontarien.

Le doyen des candidats, Deepak Obhrai, a pour sa part affirmé que ceux qui briguent la direction du parti devaient faire bien attention de ne pas donner des munitions aux libéraux en faisant campagne avec des propos teintés d'intolérance.

Déjà, «les libéraux nous tendent un piège, et en ce moment, les propos à l'endroit du Parti conservateur ont commencé à prendre un ton négatif», a affirmé le député albertain.

Selon celui qui a été élu pour la première fois sous la bannière réformiste, c'est précisément le coup que l'ancien premier ministre libéral Jean Chrétien a fait au Parti réformiste dans les années 1990.

«Et a nous a pris une décennie pour nous défaire de cette image. Alors j'exhorte mes amis à être prudents», a signalé M. Obhrai.

Il n'a voulu nommer personne. Mais on imagine que Deepak Obhrai avait une pensée pour Kellie Leitch, qu'il a publiquement accusée de miser sur une politique identitaire avec sa proposition de filtrer les «valeurs anticanadiennes» chez les immigrants.

La députée Leitch n'a pas répondu aux questions des journalistes à l'issue du débat.

De son côté, Chris Alexander - qui a lui-même participé à deux rassemblements où l'on a entendu des «Lock her up!» ou encore des appels à bannir l'islam - a affirmé en point de presse qu'il avait «peur» de voir débarquer un discours populiste au Canada.

La conférence Manning, qui se tient en fin de semaine à Ottawa, proposait vendredi les ateliers: «Mener la réponse à l'islamisme extrémiste et son idéologie au Canada» et «Un mouvement Trump au Canada? Le trumpisme peut-il être exporté au Canada? Ou est-il déjà présent?».

Dans les couloirs du centre de conférences, de jeunes hommes coiffés d'une casquette rouge «Make America Great Again», le slogan de campagne de Donald Trump, attiraient les caméras et les micros des représentants des médias, au grand dam de certains.

«Ils prennent la conférence en otage! Ce n'est vraiment pas bon pour le mouvement conservateur, nous n'avons vraiment pas besoin de ça en ce moment», a notamment déploré un jeune homme dans la vingtaine qui n'a pas voulu être identifié par son nom.

En matinée, dans le discours d'ouverture de la conférence conservatrice annuelle qui porte son nom, Preston Manning a affirmé que la réponse au succès de Donald Trump ne devait pas être une phobie à l'égard du président républicain.

La clé est plutôt de miser sur «un leadership politique qui s'attaque aux causes à l'origine du sentiment d'aliénation des électeurs et qui transforme l'énergie politique négative en énergie positive», a-t-il argué.

Kevin O'Leary attaqué

L'homme d'affaires Kevin O'Leary a été la cible de plusieurs attaques pendant le débat de vendredi. Plusieurs candidats ont pris pour cible celui qui est dans le peloton de tête de certains sondages d'opinion.

Le député Andrew Scheer, entre autres, lui a reproché de passer le plus clair de temps aux États-Unis depuis qu'il a déclaré sa candidature alors qu'il cherche à se faire élire à la tête d'une formation politique au Canada.

«En tout respect, vous ne vous êtes pas engagé à vous gagner un siège (dans une élection complémentaire) (...) Vous ne vous vous êtes pas engagé à vous consacrer à (cette course) à plein temps», a-t-il lâché.

«Être chef du Parti conservateur n'est pas un emploi à temps partiel», a tranché M. Scheer.

L'ancien «dragon» de l'émission «Dragon's Den» a ensuite dû se défendre, lors du point de presse qui a suivi la joute oratoire, d'avoir agrippé sur le plateau de l'émission les fesses d'une participante qui avait sollicité un investissement pour une ligne de jeans.

L'entrepreneure en question avait affirmé en 2013 lors d'une entrevue accordée à un média local albertain, le Saint-Albert Gazette, que les dragons avaient auparavant demandé son consentement.

Il reste que devant les journalistes, Kevin O'Leary ne s'est pas défendu de façon très convaincante.

«Au bout du compte, c'est de la télévision, ça n'a rien à voir avec (mes) politiques», a-t-il fait valoir.

«Je suis certain qu'elle n'a pas été offensée. De toute évidence, elle essayait de conclure un accord avec des dragons», a-t-il offert, reprochant aux journalistes d'occulter le véritable enjeu dans cette course, soit l'économie.

L'homme d'affaires né à Montréal a décliné l'invitation d'une journaliste de répondre en français à une question sur sa maîtrise de la langue de Molière. Il a dit qu'il continuait à suivre des cours et qu'il «fait de son mieux».

Le débat de vendredi à Ottawa s'est déroulé exclusivement en anglais. Certains candidats ont parlé français dans leur discours de clôture.