Une image vaut mille mots, veut le dicton. Celle du ministre de la Justice, Peter MacKay, portant, tout sourire, un tee-shirt du lobby pour les armes, l'Association canadienne des armes à feu (ACAF), s'est répandue comme une traînée de poudre sur les médias sociaux au cours des derniers jours et a provoqué moult réactions, la plupart peu flatteuses.

Pour plusieurs, cette photo lourde de sens s'ajoute à une série de bévues de M. MacKay: la nomination avortée du juge Marc Nadon à la Cour suprême du Canada; ses propos controversés sur les raisons qui expliquent la faible présence des femmes aux postes de juge au sein des tribunaux canadiens; le dossier de l'acquisition des F-35 mal ficelé lorsqu'il dirigeait le ministère de la Défense et son petit tour à bord d'un hélicoptère des Forces pour le ramener d'une excursion de pêche.

Pour calmer la tempête provoquée par cette photo, M. MacKay a affirmé que c'est un ancien combattant canadien blessé en Afghanistan qui l'a abordé lors d'une activité à Edmonton. «Il m'a remis un de ses tee-shirts et m'a demandé de poser pour une photo. Comme j'ai passé beaucoup de temps avec des membres des Forces canadiennes, je n'ai jamais cherché à éviter une occasion de manifester mon appui à leur égard et à leur famille», a-t-il dit.

Il a ajouté qu'il demeure favorable aux «politiques sûres et sensées en matière d'armes à feu». «De plus, a-t-il dit, notre gouvernement cherche à légiférer dans l'intérêt des chasseurs, des agriculteurs et des tireurs sportifs.»

L'après-Harper

La dernière controverse est-elle un geste calculé de sa part, ou un manque flagrant de jugement? La question se pose alors que plusieurs ministres qui entretiennent l'ambition de diriger le Parti conservateur un jour préparent discrètement l'après-Stephen Harper.

Les élections fédérales auront lieu dans environ 13 mois, le 19 octobre 2015, si M. Harper respecte la Loi sur les élections à date fixe adoptée par son gouvernement. Dans les rangs conservateurs, l'élection d'un gouvernement minoritaire conservateur s'enracine de plus en plus comme le scénario le plus optimiste dans le contexte actuel. Les libéraux de Justin Trudeau continuent de s'imposer dans les sondages nationaux et l'usure du pouvoir commence à faire son oeuvre au sein de l'électorat.

Un tel résultat signifierait indubitablement la fin de l'ère Harper, car seule une autre victoire majoritaire lui donnerait la liberté de choisir le moment de son départ. D'où les appels discrets de certains ministres auprès de militants du parti. À l'heure actuelle, le ministre de l'Emploi, Jason Kenney, est vu comme le candidat potentiel qui aurait une bonne longueur d'avance sur les autres s'il décidait de plonger.

D'autres convoitent aussi le trône conservateur. Le ministre de l'Industrie, James Moore, la ministre des Transports, Lisa Raitt, le ministre d'État aux petites entreprises, Maxime Bernier, et Peter MacKay, souligne-t-on, font partie de la liste des aspirants.

Dans ce contexte, la présence de M. MacKay à une activité parrainée par l'ACAF à Edmonton n'est pas nécessairement un hasard. Ce lobby pro-armes demeure une organisation riche et bien huilée et, surtout, bien déterminée à faire modifier les lois régissant le contrôle des armes. Ses membres peuvent donc se mobiliser derrière un candidat dans une éventuelle course à la direction.

Peter MacKay a été le dernier chef du Parti progressiste-conservateur avant la fusion de ce parti avec l'Alliance canadienne de Stephen Harper en 2003. Il est du coup devenu un acteur incontournable du nouveau Parti conservateur. Quelle est la valeur marchande d'un Peter MacKay aujourd'hui au sein des troupes conservatrices?

«Peter pourrait très bien être un candidat au leadership malgré les mésaventures qu'il a eues. Sa gestion des ministères n'a pas été sans controverse comparativement à d'autres, mais il possède d'autres atouts», soutient un stratège conservateur.

«Il y a beaucoup d'anciens progressistes-conservateurs qui voient en Peter MacKay une valeur sûre. Il sait comment faire de la politique et donne un coup de pouce à ses collègues pour recueillir des fonds. Il dispose donc d'un réseau d'appuis intéressant», a ajouté ce stratège.