(Ottawa) La Fondation Pierre Elliott Trudeau n’était pas la cible d’une tentative d’ingérence étrangère de la part de la Chine lorsqu’elle a reçu un don controversé de 140 000 $ de la part d’un homme d’affaires influent proche du régime communiste chinois en 2016 et en 2017, selon un rapport d’enquête.

La controverse entourant ce don tient davantage d’une série d’erreurs humaines, selon ce rapport d’enquête.

« Nous n’avons identifié aucune preuve pouvant laisser croire que les dons en question s’inscrivaient dans un stratagème d’ingérence », conclut-on dans le rapport d’une dizaine de pages rédigé par deux avocats du cabinet Norton Rose Fullbright Canada et remis vendredi.

La Fondation Trudeau n’a pas non plus enfreint la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif en acceptant ces dons et n’a pas non plus enfreint l’entente de financement relative au Fonds pour l’avancement des sciences humaines et sociales conclue entre la Fondation et le gouvernement du Canada.

Tout au plus, la direction de la Fondation Trudeau n’a pas fait ses devoirs pour vérifier adéquatement l’identité du donateur, comme le veut le principe non écrit « Know your donor ».

« Nous avons constaté que la Fondation avait effectué très peu de vérifications diligentes à l’égard des donateurs potentiels qui étaient parties à la promesse de don, et qu’elle s’était plutôt fiée à l’Université de Montréal », lit-on dans le rapport.

« Le processus de vérification Know You Donor (ou KYD) est avant tout un outil de gestion de risque permettant de déterminer s’il existe des risques externes pour un organisme de bienfaisance associés à un don provenant d’une partie donnée. L’omission d’effectuer ce genre de vérifications ou de bien les documenter ne constitue pas une violation de la loi, mais représente néanmoins une dérogation aux meilleures pratiques. »

La Fondation Trudeau s’est retrouvée au cœur d’une tempête politique qui a entraîné la démission en bloc des membres du conseil d’administration après que le quotidien The Globe and Mail a rapporté l’hiver dernier, en s’appuyant sur des documents secrets du SCRS, que la Chine a manœuvré pour influencer le premier ministre Justin Trudeau en s’assurant qu’un don d’un million de dollars soit fait à la fondation qui a été créée à la mémoire de son père.

À l’origine, le don de l’homme d’affaires Zhang Bin devait être fait par l’entremise de l’Université de Montréal. Au bout du compte, le don remis à la Fondation Trudeau s’est élevé à 140 000 $ et a été fait en deux versements en 2016 et en 2017.

La controverse a pris de l’ampleur quand il a été révélé que l’identité du véritable donateur soulevait de nombreuses questions. Les reçus de charité montraient des irrégularités. Ils avaient été modifiés à la demande d’un organisme proche du gouvernement chinois. Le nom de l’homme d’affaires chinois n’apparaissait nulle part. Les reçus de charité avaient été remis au nom de l’entreprise Aigle d’or du millénaire, qui est la propriété du milliardaire Zhang Bin.

Pris dans la tourmente, la Fondation Trudeau, après avoir éprouvé quelques difficultés, a finalement pu rembourser le don dans son intégralité à l’entreprise en question deux mois plus tard.

Le rapport d’enquête a été commandé par le conseil d’administration intérimaire de la Fondation Trudeau l’an dernier afin de tirer toute cette affaire au clair.

En avril dernier, la présidente et cheffe de la direction de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, Pascale Fournier, et huit autres membres du conseil d’administration ont démissionné en bloc en citant les irrégularités entourant le don chinois comme motif de leur départ.

L’affaire a été examinée par un comité parlementaire. Le frère du premier ministre Justin Trudeau, Alexandre Trudeau, qui est membre de la Fondation Trudeau, a été invité à comparaître.

Dans son témoignage, en mai 2023, il a martelé que la Chine n’a jamais tenté de s’ingérer dans le processus démocratique canadien par le truchement de la Fondation Pierre Elliott Trudeau.

Avec Katia Gagnon, La Presse