Un tsunami à Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière ? C’est ce qui s’est produit le printemps dernier – à petite échelle – lorsqu’un impressionnant pan de terrain a glissé dans la rivière L’Assomption.
L’eau, déjà haute, a monté subitement à cause des milliers de tonnes de terre qui y ont atterri. Les pompiers ont dû secourir un résidant.
La rivière L’Assomption est une habituée des glissements de terrain. Son tracé très méandreux et la composition du sol de ses berges rendent le cours d’eau particulièrement propice à ce type d’évènement.
Le maire suppléant de Saint-Félix, Pierre Lépicier, et son directeur général, Jeannoé Lamontagne, observent le cap qui s’est décroché en avril dernier et l’île qui s’est formée juste en dessous. Les arbres et d’autres végétaux ont suivi et continuent à pousser.
« C’était vide ! assure le premier. C’est fort, la nature. »
Quelques dizaines de minutes plus tôt, à l’hôtel de ville, Jeannoé Lamontagne montrait sur des images satellites toutes les autres « îles » qui se sont créées au fil des années après des glissements de terrain. « Il y a en un là, il y en a un là. Il y en a un là, directement sous la ligne électrique, dit-il en déplaçant son curseur. C’est très actif. Sans dire qu’il y en a chaque année, il y en a quand même régulièrement. Sur notre territoire et sur le territoire des municipalités voisines. »
M. Lépicier, un cultivateur à la retraite, a vu les effets de l’eau sur sa terre. « Des fois, on pouvait perdre 15 pieds de large sur 100 pieds de long », se remémore-t-il. Énorme ? Il nuance. « Oui et non. [...] Tu n’as pas le choix, ça fait partie de la vie des cours d’eau. »
Sur la plage de la mer de Champlain
Au cœur du problème : la région constituait la rive sablonneuse de la mer de Champlain à la dernière époque glaciaire.
Le sol, « c’est une épaisse couche de sable qui repose sur une couche d’argile », explique M. Lamontagne. « Comme ce n’est pas du tout la même perméabilité de sol, il va souvent y avoir des veines d’eau qui vont couler sur la surface d’argile et sous le sol perméable [de sable] jusqu’aux cours d’eau, comme la rivière L’Assomption. »
« À un moment donné, il y a des galettes qui partent et, parfois, il y a de plus grosses galettes qui partent », poursuit-il.
À cela, il faut ajouter le fait que la rivière L’Assomption est particulièrement sinueuse.
Mine de rien, la vitesse de l’eau à l’extérieur des méandres est plus élevée qu’à l’intérieur des méandres. Il y a du brassage qui se fait, il y a de l’érosion qui se fait.
Jeannoé Lamontagne, directeur général de Saint-Félix-de-Valois
La MRC attend d’ailleurs avec impatience la nouvelle cartographie du gouvernement du Québec, qui permettra de définir avec précision les zones à risque élevé et bas du territoire.
« La moitié du village est en zone exposée aux glissements de terrain », avertit M. Lamontagne. Il se souvient d’un décrochement qui avait touché une usine de la municipalité, il y a une quinzaine d’années : « un des bâtiments de production était en surplomb par-dessus le vide ».
Une « rivière vivante »
À L’Assomption, quelques dizaines de kilomètres en aval, c’est une maison qui se trouve dans cette même fâcheuse position. Promise à la démolition, elle est en cours d’expropriation par le gouvernement du Québec.
Les résidants ont appelé le 911 un soir, en sentant que quelque chose clochait. « Les pompiers les ont évacués par sécurité. Il faisait noir, on ne voyait presque rien », explique Patricia Ayotte, directrice adjointe au Service de l’urbanisme de la Ville de L’Assomption, debout devant le bungalow. « La Sécurité civile est arrivée tout de suite. »
Avec La Presse, Mme Ayotte fait la tournée des situations actuellement traitées par son service en lien avec des glissements de terrain.
Un petit centre professionnel où les dentistes font maintenant des plombages à un jet de pierre d’un pan de sol tombé dans la rivière. Ici, « c’est un peu une erreur humaine. Ils ont entreposé de la neige sur le bord » en surplomb du cours d’eau, créant un poids excessif qui a causé un effondrement du sol. « Ils ne connaissaient pas la problématique. » La situation est inquiétante à l’œil du profane, mais ne présente pas de danger immédiat, selon les professionnels. Des travaux de stabilisation sont attendus à court terme.
Plus loin, une partie du rang du Bas-de-L’Assomption, partiellement renfoncée, tout près d’un grand projet d’empierrement d’une berge de la rivière tombée il y a deux ans.
Dans une salle de réunion de l’hôtel de ville, le maire Sébastien Nadeau adopte un ton rassurant. Les glissements de terrain surviennent, mais les résidants riverains sont habitués à vivre avec cette « rivière vivante ».
« Nos vieilles routes souvent avaient été construites en bordure de la rivière, a-t-il dit. C’est toujours là qu’on peut avoir de l’activité en termes de glissement de terrain et particulièrement au printemps, lorsque le mouvement d’eau est plus fort. » Des travaux doivent alors être déclenchés, menant parfois au déplacement de la voie.
Mais dans la plupart des cas, quand aucun bâtiment ou route n’est en cause, les autorités laissent les choses telles quelles. C’est le prix à payer pour vivre avec la rivière.
Précision
Les travaux de stabilisation évoqués dans ce texte ont débuté cet été, après le passage de La Presse à L’Assomption, mais avant la publication de l’article. De plus, l’interprétation de la ville quant aux causes de l’effondrement d’une partie du terrain est toujours sous analyse.