La direction de Rogers a indiqué en soirée vendredi que ses services se rétablissent graduellement après qu’une panne eut paralysé ses réseaux toute la journée. Cette panne a rapidement causé des maux de tête à beaucoup de Canadiens, bouleversé nombre d’activités, et démontré l’importance du cellulaire et de l’internet dans la vie quotidienne.

« Nos services sans-fil sont rétablis peu à peu et nos équipes techniques travaillent d’arrache-pied pour que tout le monde puisse s’y connecter le plus rapidement possible », a fait savoir en soirée la porte-parole de Rogers, Nilani Logeswaran.

« Nous continuerons à tenir notre clientèle informée à mesure que nos services et les volumes de trafic reviennent à la normale », a-t-elle ajouté sans toutefois apporter de précisions sur la nature de la panne.

Les services d’urgence comme le 911, la disponibilité d’Interac pour réaliser des paiements et des virements, et les services de certains guichets automatiques ont vite été touchés vendredi.

La panne a aussi affecté des centres d’appels et des bureaux du gouvernement canadien, y compris des bureaux des passeports.

Avec encore beaucoup de gens en télétravail, la panne a forcé bien des clients de Rogers à trouver rapidement une solution de rechange pour communiquer et travailler.

Marc R., un citoyen ayant contacté La Presse, s’inquiétait vendredi pour sa mère qui a des problèmes de santé et une ligne téléphonique chez Rogers comme seul moyen de communication. « Elle est seule à la maison. Je ne peux la joindre et elle n’est en mesure de joindre personne. Elle ne doit pas être la seule et il doit y avoir beaucoup d’autres problèmes associés à cette panne. »

Se disant « sévèrement handicapée », Louise M. soutenait de son côté être « enragée » et prise « en otage ». « Ma carte de débit ne fonctionne pas. Cela m’a obligée à me déplacer en catastrophe pour trouver de l’argent liquide, sans quoi je ne peux rien payer, ni taxi ni épicerie. Pour une personne normale, c’est un geste banal. Ce ne l’est pas quand on est handicapée », poursuit-elle.

« Je n’ai pas de fauteuil roulant motorisé, ni transport adapté. Je suis seule et sans aide et j’ai été forcée de prendre le risque de monter en autobus pour aller chercher de l’argent. Je n’ose imaginer pour les gens handicapés et les aînés ce que cette panne a dû causer comme soucis. »

Mauvais pour la réputation

« Ce n’est jamais bon pour la réputation et la satisfaction de la clientèle d’avoir des abonnés incommodés par une panne de réseau », commente l’analyste Vince Valentini, de la TD.

« Il est particulièrement inhabituel et perturbateur de voir les réseaux filaires et sans fil tomber en panne en même temps », ajoute-t-il dans une note envoyée à ses clients vendredi.

Plus la panne sera longue, plus le risque est grand de voir Rogers perdre des clients, selon cet expert. Vince Valentini croit aussi que la crédibilité des dirigeants pourrait souffrir de cet épisode et nuire aux efforts visant à gagner des parts de marché auprès des entreprises.

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a indiqué vendredi que son ministère a souligné à Rogers à quel point il était important que la situation soit résolue le plus rapidement possible.

Qu’il s’agisse de téléphonie cellulaire, de l’internet ou de services bancaires, nous nous attendons à ce que ces services répondent aux standards de qualité que méritent les Canadiens.

François-Philippe Champagne

Pendant ce temps, le Centre pour la défense de l’intérêt public a demandé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de lancer une enquête sur la panne en vertu de la Loi sur les télécommunications. Le CRTC a confirmé qu’il avait reçu la demande et qu’il l’examinait.

Rogers Communications n’a pas encore fourni de détails sur la cause de la panne.

Un crédit pour les clients

Une panne causée par une mise à jour des logiciels de son partenaire Ericsson avait affecté les services chez Rogers au printemps l’année dernière. Cette mise à jour avait provoqué une déconnexion des appareils au réseau. Cette panne avait duré 16 heures et Rogers avait alors offert à ses clients un crédit équivalent aux frais de services sans-fil sur la facture du mois de mai.

Rogers entend cette fois-ci appliquer des crédits « de façon proactive » à l’ensemble de sa clientèle.

Vince Valentini soupçonne pour sa part que Rogers obtiendra une compensation de ses partenaires et fournisseurs d’équipement et technologie.

Bryan Bossin, porte-parole d’Interac, affirme que les services de débit et de virement électronique de l’entreprise demeurent indisponibles partout au Canada.

Manque de concurrence

Downdetector, un site web qui surveille les pannes, indique que les gens ont commencé à signaler des problèmes avec le service de Rogers vers 4 h 30, et qu’à 7 h, 20 000 problèmes avaient été enregistrés.

Les clients de Toronto, Kitchener, Moncton, Ottawa et Mississauga ont fait le plus grand nombre de signalements sur le site web, 45 % d’entre eux ayant déclaré une panne totale, 29 % des problèmes de l’internet mobile et 26 % des problèmes de l’internet fixe.

Selon les données de Downdetector, il semble que la panne a aussi affecté des réseaux indépendants, qui utilisent souvent le signal de Rogers.

L’année dernière, l’entreprise a subi une panne massive causée par une mise à jour logicielle qui a laissé les clients sans service.

« La panne illustre bien le manque de concurrence dans les télécommunications au Canada », a expliqué la directrice générale du programme de maîtrise en politique publique de l’Université McMaster, Vass Bednar, en entrevue.

Le secteur des télécommunications canadien est dominé par trois grands opérateurs — Rogers, Bell et Telus — et leur emprise sur l’industrie préoccupe depuis longtemps les experts du milieu, qui ont souvent demandé aux régulateurs d’accroître la concurrence pour les services mobiles et internet au Canada.

Le Bureau de la concurrence s’oppose actuellement au projet de Rogers d’acheter Shaw Communications pour 26 milliards, malgré la vente prévue de son entreprise Freedom Mobile à Québecor.

Selon Mme Bednar, le fait que de nombreux services, allant du 911 aux transports en commun, soient touchés vendredi matin prouve la nécessité d’accroître la concurrence.

« Mais à moins que les gens ne changent de fournisseur aujourd’hui ou que de nouvelles options publiques n’apparaissent soudainement, nous ne pouvons pas faire grand-chose de plus pour l’instant, à part peut-être tenir compte de la colère et de la frustration des gens », a-t-elle ajouté.

Rogers, qui exploite aussi les marques Fido et Chatr, a quelque 10 millions d’abonnés à ses services de téléphonie mobile.

Avec La Presse Canadienne