Les données de recensement sur la langue maternelle ou la langue parlée à la maison transmises en août par Statistique Canada étaient erronées.

L'agence fédérale vient de reconnaître qu'une erreur dans un programme informatique a mal classifié la langue parlée par quelque 61 000 personnes dans les données de recensement dévoilées au début du mois. Cette bourde a manifestement gonflé la proportion de personnes qui ont l'anglais comme langue maternelle ou qui le parlent à la maison.

Cette semaine, le chercheur Jack Jedwab émettait des doutes sur la validité des données de recensement, des hausses trop importantes de personnes parlant l'anglais étant enregistrées sans raison logique dans certaines villes en région. 

«Après un examen approfondi», Statistique Canada confirme qu'elle a erré. Notant à quel point les données de recensement sont d'une grande importance «dans la prise de décisions [des gouvernements]», l'agence assure travailler «avec diligence pour corriger les renseignements et publier des résultats mis à jour la semaine prochaine. Nous prenons également des mesures pour consolider nos procédures de contrôle de la qualité».

«On aurait dû détecter l'erreur qui existait (sur le plan) du système informatique», a reconnu le gestionnaire du recensement de la population de Statistique Canada, Marc Hamel.

L'erreur a été causée par le logiciel utilisé pour compiler les données qui a inversé les réponses sur la langue dans des formulaires en français. Les réponses d'environ 61 000 personnes ont ainsi mal été classifiées.

«Je suis content que Statistique Canada ait agi aussi rapidement», a affirmé le président de l'Association d'études canadiennes, Jack Jedwab, en entrevue.

«C'était des augmentations impossibles, impossibles», a-t-il expliqué.

Les données de recensement sur la langue communiquées en août faisaient état de 8,1 millions de Canadiens qui affirmaient parler français à la maison, soit 23,3 % de la population canadienne (comparativement à 23,8 % en 2011).

Au Québec, 70,5 % des répondants ont dit parler «uniquement» en français, comparativement à 72,8% en 2011. À l'inverse, l'anglais au Québec semblait progresser, 6,6 % des personnes disant parler uniquement cette langue au Québec en 2016 comparativement à 6,2 % en 2011.

Statistique Canada écrit regretter «tout inconvénient causé par cette erreur».

Réactions

Les chiffres indiquaient une forte hausse de la population anglophone à l'extérieur de Montréal, dans des villes à forte majorité francophone, comme Drummondville, Trois-Rivières ou Shawinigan.

«C'est un peu bizarre que des gens qui sont à temps plein sur un dossier ne soient pas en mesure de voir des anomalies comme ça», a réagi le directeur général du Mouvement Québec français, Éric Bouchard.

Après la publication des résultats, celui-ci réclamait des mesures incitatives financières importantes du gouvernement du Québec pour la francisation.

Le Bloc québécois dénonçait l'anglicisation du Québec par le gouvernement fédéral.

«Peut-être qu'on n'a pas assez réagi, peut-être qu'on a trop réagi, on va le voir, a affirmé le député bloquiste Mario Beaulieu. Nous on se fie sur les données que Statistique Canada nous donne.»

Conséquences de l'erreur

Ces résultats incorrects ont ravivé certaines tensions entre francophones et anglophones au Québec, selon la directrice générale du Quebec Community Group Network, Sylvia Martin-Lafarge.

«L'erreur est importante parce que non seulement il y a l'erreur, mais il y a aussi les conséquences de l'erreur, a-t-elle souligné. Ça donne une paranoïa par rapport à la présence de l'anglais.»

Statistiques Canada croyait de prime abord que d'autres phénomènes démographiques auraient pu expliquer la progression de l'anglais au Québec.

«Nous publions des milliers et des millions de lignes de résultats, a expliqué Marc Hamel. On avait vu certaines des anomalies au niveau individuel dans certaines communautés et les analystes voulaient mener des analyses plus approfondies en rapport avec d'autres variables qui vont sortir bientôt, dont l'immigration.»

Jack Jedwab se demande si cette faute aura un impact sur l'ensemble des données de 2016.

«On ne peut pas morceler le recensement, a-t-il soutenu. Par exemple, pour le taux de chômage à Saguenay. Si ce n'est pas le bon nombre d'anglophones ou de francophones, on ne va pas avoir le bon pourcentage de chômage auprès de ces groupes. Il faut qu'on nous rassure que ça n'a pas d'impact plus large.»

Statistique Canada procédera à la correction des données ce week-end et dévoilera les résultats révisés la semaine prochaine. Les tableaux contenant des données croisées seront disponibles d'ici la fin du mois.

«Je peux vous assurer que toutes les mesures sont prises, a affirmé Marc Hamel. Nous avons déjà recertifié la qualité des informations déjà fournies et, pour les informations à venir, les utilisateurs pourront compter sur leur qualité.»

Les données publiées en février et en mai ont déjà été vérifiées. Statistique Canada resserrera également le contrôle des procédures en prévision des prochaines publications prévues en septembre, octobre et novembre.