Pour certains, c'était le jour des réponses tant attendues. Pour d'autres, comme à Rigaud, une autre journée de colère, alors que dans l'ouest de Montréal se poursuivait le très long processus de nettoyage. Chose certaine, pour toutes les victimes d'inondations un peu partout au Québec, ce n'est pas demain la veille du retour à la normale.

BEAUCOUP DE QUESTIONS...

L'eau regagne lentement son lit dans la rivière des Prairies, mais une autre course contre la montre s'amorce : le nettoyage et la démolition des parties de maisons inondées avant que la moisissure ne gagne des charpentes entières. Cela viendra avec une facture salée. C'est pourquoi une rencontre avec des centaines de résidants malchanceux a eu lieu hier dans un aréna de Dollard-des-Ormeaux. « Le montant maximal des indemnités gouvernementales est de 159 000 $. Le premier ministre a dit que le programme sera révisé. Je ne suis pas politicien. Je suis administrateur, et au moment où on se parle, c'est 159 000 $ », a expliqué à la foule Denis Landry, directeur du rétablissement au ministère de la Sécurité publique.

... ET DES RÉPONSES 

« Le programme ne couvre que les inondations, mais pas les refoulements d'égouts et les infiltrations d'eau. Moi, j'ai les trois problèmes ! Je suis mêlé. Qu'est-ce qui est couvert et qui me couvre ? », a demandé un citoyen de Pierrefonds. « Vous allez être couverts », lui a répondu M. Landry. « Je suis satisfait, c'est très généreux », a commenté le résidant à la sortie de la réunion. Tyrone Depradine était moins enthousiaste. « Si tu as une salle de bains, un salon, une chambre en sous-sol, ils ne couvrent pas. Ils couvrent juste les pièces principales du haut. Ça ne fera pas grand-chose pour moi », s'est-il désolé.

COUP DUR POUR LES COMMERÇANTS

Alex Palii exploite la Tabagie Pierrefonds, à l'intersection des boulevards Pierrefonds et Saint-Jean, ce carrefour commerçant inondé qu'on a vu en photo des dizaines de fois. « J'ai réussi à protéger mon inventaire. Mes frigos y passeront sûrement, mais ça sera couvert. Ce qui ne l'est pas, c'est la perte de revenu. Les assureurs ne couvrent pas l'interruption des affaires en cas d'inondations. Il faut se coordonner avec le propriétaire du bâtiment, et je ne sais donc pas combien de temps ça va durer », a expliqué l'homme, qui était sur place avec sa conjointe étudiante et leurs jeunes jumeaux.

« MA MAISON MOBILE, C'EST FINI ! »

« Ma maison mobile, tout le dessous, les jupes, l'isolation, c'est fini ! Je ne sais pas si je serai couverte », a dit en sanglotant Linda Marin au micro. Prise en charge par des intervenants psychosociaux, elle a eu une réponse positive plus tard, une nouvelle réconfortante. Le parc de 94 maisons mobiles Wilson, dans l'ouest de L'Île-Bizard, est dans l'eau depuis trois semaines. « Une dizaine seront pertes totales. Beaucoup de gens ont réintégré leur maison, mais les systèmes d'égouts et d'aqueduc, privés, ne sont pas fonctionnels », a précisé Nancy Franceschini, mandataire de la société propriétaire du site. Les résidants y sont propriétaires de leur maison, mais locataires du terrain. Plusieurs maisons y sont encore dans l'eau.

MAISONS DÉPLACÉES

Certaines maisons ont été inondées. D'autres ont vu l'eau s'arrêter juste en dessous, faisant tout de même pourrir l'isolation et déplaçant leur socle. « Le plancher est tout croche. Il va falloir la redresser. Ce n'est pas simple, mais au moins, le gouvernement devrait payer », a dit Jean-Guy Lagacé, qui a passé là 28 ans avec sa femme Johanne Comeau et leurs quatre enfants. « On n'a jamais vu autant d'eau », a ajouté l'homme. « La deuxième crue [le week-end des 6 et 7 mai] est arrivée tellement vite, elle a pris tout le monde par surprise. On n'avait pas de sacs de sable. On en a commandé aux quatre coins du Québec », a expliqué le maire de l'arrondissement de L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève Normand Marinacci.

INQUIÉTUDES ENVIRONNEMENTALES

« Beaucoup de gens ici font leur mécanique, leurs changements d'huile. L'eau a tout emporté, on n'a pas pu récupérer tous les pneus, les contenants d'huile et d'engrais qui sont partis. Je m'inquiète pour l'environnement, notre sol et la rivière. Juste en face, c'est le cap Saint-Jacques », a raconté James Butt, dont la maison est toujours dans l'eau. « C'est vraiment beau ici. Il faut venir pour voir le coucher de soleil. T'as pas ça sur la rue Mont-Royal. Mais si on était logique, le gouvernement devrait condamner les rues au bord de l'eau, déclarer ça zone inondable. Ça va arriver plus souvent dans le futur », a ajouté l'homme, qui arpentait le quartier avec ses chiens.

COLÈRE À RIGAUD

La Ville de Rigaud a décrété l'interdiction d'aller dans les secteurs inondés, même pour les résidants, sous peine d'une amende de 1000 $ ou plus. Ce qui a semé la colère chez les résidants du secteur du Bas-de-la-Rivière. « C'est ignoble », a lancé un évacué. « Il y avait deux pouces dans ma maison quand je suis parti. Mais là, comme je ne suis pas là pour faire marcher les pompes, ça va peut-être être pire ! », a dit un autre. Certains résidants passaient tout de même. Des agents de la Sûreté du Québec notaient leur identité avec consigne de remettre les noms des contrevenants à l'administration municipale. Un des agents sur place admettait trouver la situation plutôt incongrue, doutant qu'au final des contraventions soient réellement délivrées à des gens tant éprouvés.

LE QUÉBEC SORT LA TÊTE DE L'EAU

De l'Outaouais à la Gaspésie, presque toutes les régions touchées par les crues des dernières semaines voient le bout du tunnel. Nombreux sont encore les évacués et les maisons inondées, mais les niveaux sont à la baisse. L'heure est au ménage et à la démolition un peu partout. À Pierrefonds, la collecte des ordures est quotidienne pour les jours à venir.

AMIR KHADIR RÉCLAME UNE INTERVENTION

« Les compagnies d'assurance, j'imagine, essaient de minimiser leurs responsabilités financières. C'est leur droit, mais il y a une responsabilité gouvernementale. [...] Je m'attends à ce que notre gouvernement agisse de manière responsable, et rappelle [aux assureurs privés] les engagements non seulement sociaux, mais formels, pris par contrat [...] et arrête de compliquer la vie davantage aux gens qui sont sinistrés », a dit le député de Québec solidaire Amir Khadir, qui a réclamé hier une intervention immédiate du gouvernement pour les sinistrés n'arrivant pas à obtenir d'indemnisations de leur compagnie d'assurance.