Le nombre annuel moyen de suspensions d'agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) connaît une hausse marquée depuis 2012, selon des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Cette augmentation coïncide avec l'arrivée à la tête du service policier de Bob Paulson, nommé pour incarner le changement dans la foulée des scandales de harcèlement sexuel au sein de la GRC, en 2011.

De 2000 à 2010, 396 agents avaient été suspendus, pour une moyenne de 36 par année. Depuis l'entrée en fonction du commissaire Paulson, la moyenne a augmenté à 56. Les documents que nous avons consultés font aussi état de 7 agents ayant reçu l'ordre de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi ils seraient congédiés.

« M. Paulson est là pour faire le ménage. Il voulait donner l'impression qu'il agissait, alors ça peut expliquer qu'on voie plus de sanctions disciplinaires », affirme Rob Creasser, de l'Association professionnelle de la police montée du Canada. L'organisation se bat devant les tribunaux pour que les agents de la GRC obtiennent le droit de se syndiquer.

Nature des fautes

Sur les quelque 170 suspensions survenues depuis 2012, une vingtaine sont attribuables à des fautes de nature sexuelle.

Par exemple, un agent est suspendu depuis mai 2012 avec salaire pour avoir eu des relations sexuelles alors qu'il était en fonction et  avoir menacé une personne pour la dissuader de formuler une plainte à la GRC. Le caviardage des documents ne permet pas de savoir avec qui l'agent a eu cette relation. Un autre a reçu six mois de suspension avec salaire pour être entré illégalement dans un immeuble de logements et pour voyeurisme.

Quelques agents ont aussi été sanctionnés pour avoir regardé des photos pornographiques pendant les heures de travail, pour avoir envoyé des messages textes et des courriels de nature sexuelle ou pour des commentaires inappropriés sur Facebook.

Selon les documents, un seul agent a été contraint de démissionner depuis 2010, pour avoir commis une agression sexuelle alors qu'il était ivre. L'agent n'était pas en fonction, mais il était encore sous l'effet de l'alcool lorsqu'il s'est présenté au travail le lendemain.

Les suspensions pour consommation de drogue ou d'alcool sont aussi nombreuses, comme cet agent suspendu sept mois pour conduite en état d'ébriété après avoir refusé de souffler dans l'éthylomètre et avoir quitté les lieux d'une collision mineure. Un autre est suspendu avec salaire depuis mai 2013 pour avoir dérobé de la drogue dans une salle de pièces à conviction et pour avoir consommé une drogue interdite pendant ses heures de travail.

L'usage abusif de la force semble un problème important et représente environ 20 % des suspensions, si on inclut les menaces et l'intimidation. Un agent est suspendu depuis 2012 pour avoir agressé un prisonnier qui était déjà enfermé dans une cellule de prison et pour avoir fait de fausses déclarations pour justifier son geste. Un autre est aussi suspendu depuis deux ans pour avoir pointé son arme sur un individu et proféré des menaces.

« On est autorisé par la loi d'utiliser toute la force nécessaire... ce qui n'inclut pas, bien sûr, de frapper une personne menottée. Parfois, ça peut sembler excessif, ça paraît mal en vidéo, mais elle est bien souvent nécessaire », nuance toutefois M. Creasser.

Une quinzaine de suspensions concernent des enquêtes bâclées, des omissions à divulguer des informations ou de fausses informations. Un agent est notamment suspendu depuis janvier 2014 (d'abord avec salaire, puis sans solde) pour avoir menti sous serment.

On compte aussi quelques suspensions et congédiements pour avoir utilisé des cartes de crédit de l'organisation à des fins personnelles ou avoir fait de fausses demandes de remboursement. Un agent a aussi été contraint de démissionner pour un vol à l'étalage.

« Organisation malade »

L'Association professionnelle de la police montée du Canada ne cherche pas d'excuses pour ces agents.

« Si des agents commettent des erreurs et contreviennent aux règles ou posent des gestes criminels, ils sont complètement redevables », affirme M. Creasser.

« Mais, dans l'ensemble, c'est l'organisation qui est malade, dit cet ancien policier. On manque de ressources, d'entraînement et de financement pour l'équipement, et quand on demande toujours plus aux agents sans fournir les ressources, ça peut encourager certaines personnes à commettre des gestes qu'elles ne feraient pas en temps normal. »

Au sujet du harcèlement, M. Creasser est d'avis que d'importants changements doivent être faits. « Le problème de harcèlement existait bien avant 2011 », souligne-t-il.

La GRC planche sur un projet de code de conduite qui remplacera le code actuel vieux de 25 ans, dans lequel le harcèlement sera explicitement interdit.

- Avec William Leclerc