Le front commun de 400 000 employés de l'État veut fédérer les mécontents à l'égard des compressions du gouvernement Couillard afin d'augmenter son rapport de force dans le cadre des négociations pour renouveler leurs conventions collectives.

Le front commun - qui réunit la CSN, la FTQ, la CSQ, le SFPQ et l'APTS - a déposé officiellement ses demandes financières au Conseil du trésor jeudi. L'alliance FIQ-FAE (100 000 membres) faisait de même mardi dernier. Leurs demandes sont semblables.

Le front commun réclame des hausses salariales s'élevant à un minimum de 13,5 % sur une période de trois ans (4,5% par an). La Presse a déjà démontré que compte tenu de certaines clauses, les augmentations demandées atteindraient 16 %.

Pour le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, les revendications salariales sont trop coûteuses. «C'est une demande qui m'apparaît venir d'une autre époque, une époque où on vivait au-dessus de nos moyens», «où on s'endettait pour payer les dépenses d'épicerie, chose que nous ne ferons plus», a-t-il soutenu lors d'un point de presse.

Le front commun chiffre le « coût net » de ses demandes à 3,4 milliards de dollars, si l'on soustrait les impôts additionnels que paieraient les syndiqués (700 millions). Il considère que Martin Coiteux fait erreur en les évaluant à 5,2 milliards. Mais ce dernier persiste et signe. Pour évaluer le coût des demandes, il applique les hausses salariales à l'ensemble des employés de l'État, y compris des travailleurs qui ne sont pas visés par les conventions collectives des secteurs public et parapublic comme les juges, les policiers et les médecins. « Dans les faits, lorsqu'on commence une négociation, ce 1% finit par s'appliquer à tous en général. Il y a des vases communicants », a-t-il dit pour justifier son calcul.

Les syndicats ont défendu le bien-fondé de leurs demandes malgré le contexte des finances publiques. Ils font valoir que le gouvernement plaide à chaque négociation que les goussets sont vides. «On n'est vraiment pas déconnectés de la réalité, a plaidé la président du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), Lucie Martineau. Le 4,5%, c'est notre protection du pouvoir d'achat qui s'est effrité depuis les 20 dernières années. C'est juste un rattrapage et une protection du pouvoir d'achat. On n'est pas gênés du tout de faire ces demandes-là.»

La vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque, a rappelé les conclusions d'une récente étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). La rémunération globale (salaires et avantages sociaux) des employés du secteur public est inférieure de 8,3% à celle des autres travailleurs d'entreprises de 200 employés ou plus (du privé, du fédéral et des municipalités). Cet écart a plus que doublé depuis 2009. Le recul des employés du secteur public était alors de 3,7%. Pour Mme Lévesque, ces chiffres prouvent que « ça fait longtemps que (les travailleurs) ont fait leur juste part».

Elle a ajouté que le front commun compte fédérer les mécontents. « On va inviter les gens à descendre dans la rue avec nous, et on va se joindre aux autres groupes qui ont également d'autres luttes qui sont aussi nos luttes. On va manifester toute la gang ensemble », a dit de son côté le président de la FTQ, Daniel Boyer. Il a affirmé que le gouvernement, après avoir promis un « dialogue social » au sujet des réformes à venir, se livre plutôt à un  «monologue antisocial». «Je vous dis qu'il y en a de plus en plus des mécontents», a-t-il souligné. Selon lui, ce n'est pas avec une seule manifestation, mais plutôt avec «une série d'événements» que le front commun entend faire reculer le gouvernement. Des manifestations sont déjà au calendrier cet automne, et une tournée des régions est prévue pour «mobiliser les troupes».

«On dépose nos demandes aujourd'hui, je ne vous dirai pas qu'on s'en va en grève demain, a précisé M. Boyer. On est prêts à dialoguer avec le gouvernement et à établir un vrai dialogue social».

«Le public devrait nous appuyer, a ajouté Lucie Martineau. Parce que l'austérité touche tous les citoyens, ça va toucher tout le monde. Vous avez vu les coupures qui sont faites et toutes les rumeurs de coupures ? Les régions vont se vider des services publics. Ça na aucun bon sens. Les gens vont se mobiliser. Et je crois que les gens doivent nous appuyer.»

Martin Coiteux présentera son offre aux syndicats cet automne. Il n'exclut pas un gel des salaires pour 2015-2016, année où le gouvernement compte atteindre le déficit zéro. «Nos offres doivent être compatibles avec le retour et le maintien de l'équilibre budgétaire», a-t-il répondu lorsqu'on l'a questionné sur le scénario d'un gel.

Les conventions collectives dans les secteurs public et parapublic seront échues le 31 mars.