Trente ans après la fermeture de Schefferville, ses habitants marqueront en grande pompe la réouverture de l'aréna, mardi. C'est l'un des rares immeubles à avoir été épargnés, lors de la destruction de la ville dans les années 80. Avec la reprise des activités de prospection dans la région, des Innus de Matimekush-Lac John y voient le symbole du chemin qu'ils ont parcouru depuis la fin tragique du dernier boom minier.

La reine a visité Schefferville. Maurice Duplessis y est mort. Mais la petite ville minière au nord de Sept-Îles, à la frontière du Labrador, n'a jamais accueilli Youppi.

Ses habitants se préparent à le faire mardi. La mascotte du Canadien, en compagnie d'anciens joueurs, de dignitaires et de membres de la communauté, assistera à la réouverture officielle de l'aréna local.

«Des ouvertures d'arénas dans le Nord, on n'en voit pas tous les jours!», lance le chef des Innus de Matimekush-Lac John, Réal McKenzie.

«Là, c'est exceptionnel, et pas juste parce qu'on déplace des anciens joueurs du Canadien. C'est l'histoire de ça... C'est ça qui fait la symbolique de la bataille des Innus de Matimekush-Lac John!»

Dans les années 80, après avoir annoncé la fin de ses activités minières dans la région, la compagnie Iron Ore avait détruit une partie de la ville qu'elle avait elle-même bâtie sur une période de 40 ans.

Mais «l'aréna a été sauvé grâce aux mamans et aux enfants qui avaient encerclé le bâtiment avant que le bulldozer l'écrase», raconte le chef McKenzie.

Schefferville s'est vidée. Les Innus et quelques Blancs sont restés. Pendant 30 ans, ils ont entretenu tant bien que mal les immeubles épargnés. Trop souvent, les rares échos qui sont parvenus de la «ville fermée» parlaient de suicide, de drogue, de violence et de dépendance au jeu.

Puis les sociétés minières sont revenues, poussées par la demande croissante de fer dans des économies émergentes comme la Chine et l'Inde.

Pour les personnes restées sur place, il était hors de question que l'histoire se répète avec les nouvelles compagnies, comme Tata Steel, New Millenium et Labrador Iron Mines.

La communauté innue, le chef McKenzie en tête, a bloqué des routes et menacé des gouvernements, pour s'assurer d'être entendue.

En 2011, après des mois de négociations, les sociétés minières ont promis des retombées financières, de l'emploi, de la formation... et des fonds pour la construction ou l'amélioration d'infrastructures, dont l'aréna.

«Pas d'aréna, pas de mine»

«C'était ça ou rien. Pas d'aréna, pas de mine. C'était ça, la bataille, monsieur!», affirme le volubile Réal McKenzie, élu chef pour la première fois en 1989.

«Ça a une valeur symbolique, cet aréna-là», convient un porte-parole de Tata Steel, Armand Mackenzie, lui aussi originaire de Schefferville.

«C'est un reliquat des anciennes exploitations minières, et la façon dont l'autre compagnie a quitté ses opérations... Disons que la communauté s'est sentie insultée. Et pour nous, c'était important d'établir de bonnes relations dès le départ.»

Tata Steel et Labrador Iron Mines ont versé le gros des 4,5 millions nécessaires pour nettoyer et repeindre l'immeuble de fond en comble, refaire la glace et la toiture, changer le système de chauffage, poser des sièges, acheter une nouvelle surfaceuse... D'autres partenaires, comme le gouvernement du Québec, ont aussi délié les cordons de la bourse.

La dernière touche aux rénovations a été portée il y a quelques jours. L'édifice a l'air flambant neuf.

«Dans mes années de jeunesse, j'ai joué dans cet aréna-là, moi», dit le chef Réal McKenzie.

Il espère que les jeunes de sa communauté en profiteront encore longtemps. Même après le boom minier.