Le gouvernement Harper s'emploie discrètement à fermer les portes du Canada aux danseuses érotiques de l'étranger - et à forcer celles qui y travaillent déjà à se trouver un emploi dans un autre domaine. Des changements qui pourraient provoquer des contestations judiciaires.

Une disposition passée inaperçue dans le mégaprojet de loi de mise en oeuvre du budget (C-38), entre autres, modifie l'article 87.3 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour permettre au ministre de l'Immigration de refuser complètement l'accès au Canada à certaines personnes qui réclament un permis d'études ou de travail.

«CIC ne traitera plus les demandes de permis de travail de ressortissants étrangers se cherchant un emploi dans l'industrie du sexe», a précisé dans un courriel une porte-parole du ministre Kenney, Alexis Pavlich.  

Le bureau de M. Kenney a défini l'industrie du sexe comme incluant «toutes les entreprises» qui exploitent «des clubs de danseuses, des services d'escortes et des salons de massage».

Ces mesures viseront également ceux qui détiennent un «permis de travail ouvert valide», a précisé Mme Pavlich; ces derniers «ne seront plus autorisés à travailler dans le secteur du commerce du sexe».

Il s'agit d'un changement important, puisque la majorité des quelque 500 permis de travail accordés à des danseuses érotiques depuis 2006 seraient en fait des renouvellements, selon ce que soutient le gouvernement Harper. Ceux-ci s'ajoutent aux 1713 autres permis accordés ou renouvelés par le gouvernement libéral précédent, depuis 2001.

On ignore toutefois le nombre exact de danseuses érotiques étrangères qui travaillent actuellement au Canada en vertu de ces permis de travail.

Poursuites judiciaires?

Ces changements sont loin de faire l'unanimité: l'Association du divertissement pour adultes du Canada juge qu'ils sont carrément illégaux et son président, Tim Lambrinos, menace de poursuivre Ottawa.

«C'est strictement politique et ça n'a rien à voir avec les faits», a dénoncé M. Lambrinos, dont le regroupement représente des bars de danseuses érotiques, principalement en Ontario. Il a souligné que ces établissements agissaient tout à fait légalement et n'exploitaient pas les personnes qui y travaillent.

«Le ministre a-t-il besoin d'éclaircissements en cour? Peut-être qu'on est rendus là.»

Ces mesures s'ajouteront à d'autres, dont celles qui ont été adoptées dans le projet omnibus sur la justice criminelle (C-10) il y a quelques mois. Aussi largement passées inaperçues, ces mesures visent elles aussi à donner plus de pouvoirs au ministre de l'Immigration.

La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, s'apprêterait quant à elle à présenter des changements réglementaires dans un avenir proche pour s'assurer de bloquer une fois pour toutes les portes du pays aux danseuses nues qui viennent d'ailleurs.

- Avec William Leclerc



L'évolution du strippergate

Décembre 2004: Abolition du traitement accéléré des demandes de visas de danseuses érotiques.

Janvier 2005: Démission de Judy Sgro.

Mai 2007: Les conservateurs promettent de mettre fin à ces permis de travail avec la loi C-57.