Les opposants au projet de Montréal d'installer des diodes électroluminescentes à 4000 kelvins sur tous ses lampadaires ont été entendus. Même s'il affirme que la décision finale ne sera annoncée que la semaine prochaine, le maire Denis Coderre a clairement fait savoir hier que les questions de santé et d'esthétisme seraient considérées lors du choix des nouveaux luminaires.

M. Coderre a-t-il carrément tourné le dos aux fameuses « DEL 4000 K » à la lumière très blanche qui suscitent le débat depuis quelques mois ? « Je ne suis pas là, mais je ne suis pas loin », a répondu hier le maire à un journaliste qui lui posait la question pendant un point de presse.

Montréal souhaite remplacer les 132 000 luminaires qui éclairent ses rues par des diodes électroluminescentes (DEL) plus modernes et moins gourmandes en électricité. L'an dernier, la Ville avait annoncé son intention d'opter pour des diodes électroluminescentes qui émettent une couleur équivalant à 4000 kelvins (DEL 4000 K). La Ville justifiait ce choix par les économies d'énergie plus importantes que celles que peuvent engendrer des luminaires plus orangés, dont la couleur serait plus près de celle émise par les lampes au sodium actuelles.

Depuis, cependant, ce choix a déclenché un débat. Des scientifiques s'inquiètent du fait que les DEL 4000 K émettent une forte proportion de lumière bleue, qui régule l'horloge biologique des êtres humains. Plusieurs études suggèrent qu'une exposition à une telle lumière pendant la nuit peut dérégler le métabolisme et entraîner certains problèmes de santé.

Plusieurs architectes ont aussi pris position dans le débat, affirmant que les DEL 4000 K donnent une « teinte synthétique » aux surfaces qu'elles éclairent. Ils plaident pour une lumière « plus chaleureuse » pour les rues de Montréal.

Hier, le maire Denis Coderre a dit avoir bon espoir de concilier les différents enjeux que suscite le changement d'éclairage nocturne à Montréal.

« Est-ce qu'on est capable de parler de sécurité tout en parlant d'esthétisme, d'environnement et de santé ? », a-t-il lancé.

Plusieurs villes, dont Toronto et Chicago, ont choisi d'opter pour des DEL 3000 K. Ces luminaires émettent une lumière plus jaune que les DEL 4000 K, ce qui réduit les risques pour la santé et procure une atmosphère plus près de celle fournie par les lampes actuelles.

Ces DEL ont toutefois l'inconvénient de générer des économies d'énergie légèrement moindres et sont généralement plus chères que les DEL 4000 K. Le maire Coderre a cependant affirmé hier qu'un prix plus élevé n'était pas un problème pour lui.

« Dans ces affaires-là, ce ne sont pas des dépenses, mais des investissements », a-t-il dit.

PLUSIEURS AVIS CONSIDÉRÉS

Environ 2000 DEL 4000 K ont déjà été installées à Montréal, dans des rues où la Ville a exécuté des travaux et en a profité pour y remplacer les luminaires. Devant le débat qui avait été soulevé, la conversion avait cependant été interrompue, et la Ville avait demandé un avis à la Direction de santé publique (DSP) de Montréal.

Cet avis a finalement été publié en décembre dernier dans la controverse. Même si elle admettait qu'aucune étude scientifique n'avait évalué l'effet des DEL 4000 K sur la santé, la DSP concluait que ces luminaires ne présentaient « aucun danger pour la population ». Ces conclusions ont été dénoncées par plusieurs experts et contredisent notamment celles de l'Association médicale américaine.

Le cabinet du maire a affirmé à La Presse que l'avis de la DSP n'était pas le seul qui serait pris en compte dans la décision. « Le maire, dans sa réflexion sur les luminaires aux DEL, prend en compte tous les avis qui ont été publiés sur le sujet, dont le rapport de la Direction de santé publique de Montréal », a dit Catherine Maurice, directrice des communications au cabinet du maire.

Le maire Coderre a aussi rencontré le professeur et chercheur Martin Aubé, du Groupe de recherche sur la pollution lumineuse au cégep de Sherbrooke, un féroce opposant aux DEL 4000 K.