Le quart des policiers de Montréal a reçu un salaire supérieur à 100 000$ en 2014, révèlent des documents obtenus grâce à La Presse par la Loi sur l'accès à l'information. La multiplication des heures supplémentaires a même permis à 46 agents de doubler leur rémunération l'an dernier.

En tout, 1127 policiers ont gagné plus de 100 000$ en 2014. Ce chiffre marque une nette progression par rapport aux 888 qui avaient franchi ce seuil l'année précédente. Rappelons qu'en 2006, ils étaient seulement 86 à gagner plus de 100 000$.

Le SPVM employait 4464 policiers en 2014, sans compter les 212 cadets. À leur entrée dans le corps policier, les agents touchent un salaire de base de 40 800$ (32 700$ pour les auxiliaires). Au sommet de l'échelle, ils gagnent un salaire annuel de 77 050$.

La rémunération des employés du SPVM a augmenté plus rapidement que prévu en 2014. La somme versée à ceux-ci l'an dernier a été de 7,6 millions plus élevée que ce qui avait été prévu au budget. Le recours de plus en plus fréquent aux heures supplémentaires semble le grand responsable de cette hausse. En effet, les états financiers de la Ville de Montréal indiquent que ses employés - donc pas uniquement les policiers - ont reçu pour 98 millions en heures supplémentaires en 2014, soit 42% de plus que les 69 millions prévus à son budget. La moitié de cette augmentation est attribuable au SPVM.

De 90 000 à 226 000$

Un sergent superviseur de quartier a vu son chèque de paye considérablement augmenter en 2014 en raison des nombreuses heures supplémentaires qu'il a réalisées. Le policier, dont le salaire annuel est de 89 800$, a facturé l'an dernier pour 117 700$ en heures supplémentaires. En plus, il a reçu pour 18 700$ en primes et autres avantages imposables. Avec son salaire de 226 000$, le sergent en question a gagné davantage en 2014 que le directeur adjoint du SPVM, numéro deux de l'organisation. Seul le chef de police Marc Parent a touché plus, son salaire étant de 255 000$ par an.

Vague de départs à la retraite

Plusieurs événements ont contribué à gonfler la facture d'heures supplémentaires au SPVM.

Est-ce l'effet du projet de loi 3 sur le partage du coût des régimes de retraite? L'année 2014 a été marquée par un nombre de départs à la retraite plus important que prévu au SPVM. Le corps policier dit avoir eu à débourser à ses agents pour 5,6 millions en heures supplémentaires lors de diverses opérations pour compenser la perte de plusieurs policiers.

D'ailleurs, tout le débat sur l'adoption du projet de loi sur les régies de retraite a provoqué de nombreuses manifestations en 2014. Fort sollicités, les policiers ont ainsi facturé 600 000$ de plus que prévu en heures supplémentaires pour encadrer les marches de leurs collègues municipaux.

Chantiers et succès du CH

La multiplication des chantiers de construction dans les rues de Montréal l'an dernier a également tenu les policiers occupés. Le SPVM indique avoir dépensé 4,4 millions de plus que prévu en heures supplémentaires afin de sécuriser les travaux routiers.

La bonne performance du Canadien lors des séries de 2014 a aussi contribué à gonfler de 1 million la facture en heures supplémentaires des policiers. Rappelons qu'après avoir balayé Tampa Bay, l'équipe montréalaise avait eu le dessus sur Boston au terme d'une série de sept parties pour être finalement éliminée par New York en finales d'association.

Enfin, les opérations policières dites courantes ont également coûté 3,4 millions de plus en heures supplémentaires tandis que la lutte contre le terrorisme en a coûté pour 600 000$.

«Fétichisme de la sécurité»

Le fait que le quart des policiers a reçu plus de 100 000$ en salaire en 2014 renverse l'opposition à l'hôtel de ville. «C'est énorme. Le budget de la sécurité publique à Montréal a pris des proportions démesurées. Il n'est pas soumis aux règles de restrictions budgétaires. On coupe partout, sauf à la sécurité publique, déplore l'élu François Limoges, de Projet Montréal. On est devant une administration montréalaise qui fait un fétichisme de la sécurité publique, qui demande de resserrer dans tous les services aux citoyens, sauf dans la sécurité publique. Pourtant, la criminalité et le nombre d'incendies sont en baisse, mais les coûts de sécurité publique explosent. Je m'excuse, mais Montréal n'est pas en train de brûler.»

Une année onéreuse

L'année 2015 s'annonce également onéreuse pour le SPVM avec la multiplication des manifestations connue ce printemps - et celles attendues l'automne prochain. Selon nos informations, il en coûte près de 100 000$ de plus au corps policier chaque fois que des manifestants décident de prendre la rue de façon inattendue. «Quand il y a plus de policiers que de manifestants à la place Émilie-Gamelin, c'est sûr qu'il y a des coûts. Je ne dis pas que c'est bien ou que c'est mal, mais qu'il y a lieu de se questionner», dit François Limoges, de Projet Montréal.

- Avec la collaboration de Serge Laplante