Menaces de voies de fait, incendies criminels, intimidation, urine qu'on laisse couler sur la piste de danse: depuis quelques années, les propriétaires de plusieurs bars du Plateau Mont-Royal, à Montréal, vivent dans la peur constante de représailles de la part de membres de gangs de rue.

C'est ce qu'a raconté hier un policier devant la Régie des alcools, des courses et des jeux, dans la cause du Muzique Audio Bar du boulevard Saint-Laurent, dont le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) demande la révocation des permis pour des raisons de présence de clients liés au crime organisé, d'incivilités et de bruit, notamment.

Le sergent-enquêteur Jean-Luc Gagnon, du poste de quartier 38, a d'abord raconté que, dans la nuit du 20 au 21 juillet dernier, il a vu le chef de gang Jean-Philippe Célestin, flanqué de deux individus qu'il croit être ses gardes du corps, entrer dans le bar Muzique, même si l'établissement, dont les permis ont déjà été suspendus une première fois pour 30 jours, s'est engagé à ne plus recevoir ce type de clientèle.

«Pas le choix»

«Il y avait un line-up d'une trentaine de personnes qui attendaient d'entrer au bar. Mais lui et les deux hommes sont allés directement vers la porte. Célestin m'a fait une grimace, ils sont passés devant tout le monde et sont entrés dans le bar sous le regard du portier. J'ai demandé à ce dernier pourquoi il l'avait laissé entrer, et il m'a dit: "Je n'ai pas le choix"», a expliqué le témoin.

Contre-interrogé par l'avocat du Muzique, le sergent Gagnon a dit de Célestin «qu'il prend de la place dans les bars de la rue Rachel, de l'avenue du Mont-Royal et du boulevard Saint-Laurent, qu'il est régulièrement en état d'ébriété, qu'il parle fort, qu'il ne paye pas souvent ses drinks et qu'il est souvent accompagné d'une ou deux personnes».

Il a ajouté qu'il y a trois ou quatre ans, lui et ses collègues ont dû expulser, par la porte de derrière pour ne pas avoir de problème avec les clients, Célestin et une dizaine d'autres individus du bar La Porte Rouge, sur l'avenue du Mont-Royal.

«Nous recevons les confidences des propriétaires de bars qui nous disent qu'ils n'ont pas le choix de les faire entrer. Les gens n'élaborent pas, mais la peur est palpable. Ils craignent des représailles. S'ils ne les laissent pas entrer, ce sont les menaces aux portiers, les voies de fait, les incendies criminels. On urine sur les pistes de danse pour montrer que c'est à nous l'endroit», a poursuivi le sergent Gagnon.

Lors du contre-interrogatoire du policier, des liens ont également été évoqués avec un incendie criminel à la Brasserie Rachel Rachel. La date n'a pas été mentionnée, mais le populaire restaurant de la rue Rachel, angle Berri, a été fortement endommagé par des incendiaires dans la nuit du 5 septembre 2011. Il a également été question d'un attentat commis contre le bar La Commission des liqueurs.

La cause du Muzique Audio Bar devant la Régie se poursuivra après les Fêtes.

Photo fournie par le SPVM

Jean-Philippe Célestin

Jean-Philippe Célestin

• 34 ans

• Trois mois de prison pour voies de fait en 2010

• Un an et demi de prison pour complot et trafic de stupéfiants en 2010

• Il est chef de son propre groupe, qui en mène large au centre-ville de Montréal, selon la police.

• Il ferait partie de la garde rapprochée de l'ancien Rocker Gregory Woolley, qui a maintenant sa propre organisation présente à Montréal et sur la Rive-Sud.