Les assureurs s'inquiètent de la multiplication des refoulements d'égouts comme ceux vécus il y a deux semaines dans la région de Montréal. Le Bureau d'assurance du Canada (BAC), qui montre du doigt l'entretien et la déficience des infrastructures souvent mal adaptées au climat, souhaite cartographier les risques de refoulement à la grandeur du pays.

L'eau représente désormais la principale source de réclamations aux assureurs, devant les vols et les incendies. Au Québec, les remboursements des dégâts causés par l'eau atteignent annuellement le demi-milliard. Les refoulements sont en grande partie responsables de cette hausse.

Les réseaux d'égouts sont victimes d'un problème de conception, estiment les assureurs. «Dans les années 60, on a adopté une norme selon laquelle il était accepté que tous les 50 ans, une pluie d'intensité supérieure ferait déborder le système», souligne Robert Tremblay.

Mais «le climat a changé». «On constate qu'il y a beaucoup d'eau qui tombe en peu de temps et nos infrastructures sont insuffisantes pour y faire face», poursuit Jack Chadirdjian, directeur des affaires publiques du BAC. Les pluies qui devaient tomber «une fois tous les 50 ans» surviennent désormais aux «5 à 7 ans», constatent les assureurs.

L'entretien laisse aussi à désirer, ajoute le BAC. «C'est sûr que c'est une pluie exceptionnelle qui est tombée sur Montréal, il y a deux semaines, mais il peut arriver une pluie ordinaire et on voit dans certains quartiers des problèmes d'eau», dit Jack Chadirdjian.

Montréal n'est pas la seule ville à vivre de tels refoulements. Le 1er juin, une forte pluie a également surchargé une partie du réseau d'égouts de Toronto. Une station de métro a été complètement inondée et le service a dû être interrompu sur le réseau pendant plus de 10 heures.

Devant le coût élevé des refoulements pour les assureurs, le BAC vient donc de créer un outil pour tenter de cartographier les zones à risques. Cet outil, qui fait l'objet d'une demande de brevet, croise les données tant sur l'état des infrastructures que sur les prévisions climatiques et les réclamations d'assurés. Le créateur, Robert Tremblay, directeur de la recherche au BAC, évalue que la carte générée permet de prédire les refoulements avec une précision de 90% par pâté de 10 maisons.

Le concept a déjà été testé à Hamilton, en Ontario, et est maintenant utilisé par une dizaine de villes canadiennes. Aucune ville québécoise n'a encore adopté l'outil, mais des discussions sont en cours avec l'Union des municipalités du Québec.

Le BAC anticipe que certaines villes seront frileuses, par crainte d'être poursuivies une fois les problèmes d'infrastructures cartographiés. Les assureurs estiment toutefois que les administrations ont beaucoup à gagner en utilisant leur outil, puisqu'il permettra de mieux planifier les travaux de réfection. Elles pourront d'ailleurs s'en servir pour demander l'appui - et le financement - des gouvernements.

Même si les primes de certains assurés risquent d'augmenter, le BAC estime que ses clients y trouveront leur compte. Actuellement, leurs primes sont établies en fonction des réclamations dans leur quartier. Des correctifs au réseau d'égouts dans leur secteur peuvent ainsi prendre une demi-douzaine d'années avant de se refléter sur la prime que leur assureur exige. Avec son outil, le BAC estime que des travaux correctifs pourraient rapidement se répercuter en économies.

Des propriétaires pourraient avoir plus de facilité à s'assurer avec un tel outil. Le BAC souligne que des quartiers complets peuvent actuellement avoir de la difficulté à s'assurer en raison des refoulements alors que le problème peut être limité à seulement certains secteurs.