Une cycliste qui a eu un grave accident, en 2003, lorsqu'elle est tombée dans une énorme dépression cachée par de la peinture jaune sur la chaussée, recevra finalement 200 000$ de la Ville de Montréal.

Marnie Scanlan, entraîneuse personnelle dans la trentaine, avait déjà eu gain de cause en Cour supérieure en novembre 2008. Le 1er avril dernier, la Cour d'appel a maintenu la condamnation de Montréal. Mercredi, le comité exécutif de la Ville a décidé que ce dossier n'était pas «d'intérêt national» et ne méritait pas d'être poussé jusqu'en Cour suprême. «C'est trop pointu, trop local», précise Patricia Lowe, porte-parole de la Ville.

On a donc décidé d'émettre un chèque de 113 193$ plus les intérêts depuis 2004, un total de 199 110$.

Le 29 juillet 2003, Mme Scanlan se rendait à la résidence d'une cliente, rue Roslyn, à Westmount (à l'époque fusionné à Montréal). Elle ajuste son casque, enfourche son vélo hybride 18 vitesses et descend une pente de 10°, à une vitesse qu'elle évalue à 15 km/h. Peu avant l'intersection, son vélo tombe dans une dépression plutôt impressionnante, «d'une profondeur de 8 à 12 po et d'une largeur de 14 po», selon une voisine. «C'était un trou plutôt inhabituel», a commenté une autre voisine au procès. À la différence d'un nid-de-poule classique, la dépression ne montre pas «un relief découpé par le défoncement du bitume», précise le juge.

Mme Scanlan est propulsée sur une distance qu'elle estime à deux longueurs de voiture et se fracture l'épaule gauche. Elle en gardera une incapacité partielle d'environ 10% et devra réorienter sa carrière vers la technique Pilates, moins contraignante, puisqu'elle souffre depuis d'une importante limitation des mouvements du bras gauche.

Détail crucial, peu de temps avant l'accident, un sous-traitant de Westmount avait fait des travaux de peinture à cet endroit pour marquer la chaussée de la limite de vitesse de 30 km/h. Pour la cycliste, il s'agissait d'un «piège» puisque la signalisation cachait la dépression dans la chaussée. La Cour supérieure lui a donné raison et a estimé qu'il était du devoir du sous-traitant de signaler toute «anomalie» sur la voie publique.

Un «piège»

La Ville, elle, estime qu'il est impossible dans la pratique d'inclure cette obligation dans les contrats. «Par exemple, à partir de quelle dimension est-ce que la présence d'un trou, d'une fissure devrait être signalée?» Il n'est pas clair non plus, précise-t-on, que la dépression ait été là au moment où l'entrepreneur a peint la chaussée. On relève par ailleurs que Westmount disposait et dispose toujours d'une «très bonne structure de surveillance de ses rues».

Quant au camouflage et au piège dont la Cour supérieure fait état, définis comme «une situation intrinsèquement dangereuse, dont le danger est caché», la Ville estime cette qualification «bien contestable, la dénivellation étant justement visible par son importance». On a fait valoir en cour que la cycliste avait manqué de vigilance. Cette interprétation a été rejetée par le juge Louis Lacoursière. Elle a été confirmée le mois dernier par les trois juges de la Cour d'appel. Parce que l'entrepreneur a peint la chaussée par-dessus la dépression, il a «faussement donné l'impression aux usagers que la route était sécuritaire». La Ville avait «l'obligation légale d'assurer la sécurité des citoyens, de corriger les situations dangereuses», écrit le juge Richard Wagner, de la Cour d'appel.