La Cour supérieure condamne le Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal à verser 2 millions de dollars en dommages punitifs aux victimes de moyens de pression illégaux lancés en 2004. Mais elle n'est guère plus tendre à l'égard de la Ville de Montréal, qu'elle condamne elle aussi à verser des indemnités aux victimes, pour avoir provoqué ses travailleurs.

Au début du mois de décembre 2004, alors qu'une pluie verglaçante s'abattait sur la ville, des cols bleus ont entrepris des moyens de pression pour dénoncer la convention collective que venait de leur imposer un arbitre. Les opérations de déglaçage des trottoirs et des rues ont ainsi été retardées.

Le 6 décembre, Grace Biondi a glissé et est tombée face contre terre près de l'hôpital Royal Victoria. Souffrant de maux de tête, elle a dû s'absenter du travail pendant plusieurs semaines. Elle a plus tard intenté un recours collectif contre la Ville et le Syndicat des cols bleus, qu'elle a accusés d'avoir laissé les trottoirs et les chaussées se transformer en véritables patinoires.

Dans une décision rendue la semaine dernière, la Cour supérieure lui donne raison sur toute la ligne. «Par son comportement téméraire et d'une insouciance inouïe, le Syndicat a tenu les citoyens de Montréal en otages pendant plus d'une semaine, peut-on lire dans la décision. Il ne s'en est jamais excusé. Bien au contraire.»

Elle le condamne à verser aux victimes de ses agissements des dommages punitifs de 2 millions de dollars.

Devant le tribunal, le Syndicat a soutenu que la Ville l'avait provoqué, et la Ville a rejeté le blâme sur le syndicat pour avoir orchestré des moyens de pression illégaux. La juge Grenier les renvoie dos à dos et les condamne «solidairement» à rembourser aux citoyens les pertes qu'ils ont subies. Ces indemnisations s'ajoutent aux dommages punitifs que doit payer le Syndicat des cols bleus.

La Ville et l'arrondissement blâmés

La Ville et l'arrondissement de Ville-Marie sont blâmés pour avoir attisé la colère des syndiqués en changeant en catimini le mode de répartition des équipes de travail, pour se conformer à la décision rendue quelques mois plus tôt par l'arbitre.

La répartition, autrefois assurée par des syndiqués, a été confiée à des contremaîtres le matin du 4 décembre. Et ce, même si ces derniers n'avaient reçu aucune formation en ce sens. Le Syndicat n'avait pas été averti de la décision des autorités.

«La Ville savait que l'imposition d'un nouveau mode de répartition allait provoquer un tollé, écrit la juge Grenier. En toute connaissance de cause, elle avait décidé de s'en remettre au Conseil des services essentiels et, par la suite, à la Cour supérieure pour exercer son autorité. D'où l'extrême laxisme dont elle a fait preuve.»

On sait que le syndicat doit verser 2 millions en dommages punitifs, mais on ignore pour le moment quelle somme il devra verser, avec la Ville, en compensation. Pour l'heure, 70 personnes ont affirmé avoir subi des inconvénients à cause des moyens de pression. Ce nombre pourrait facilement grimper à 100, selon l'avocat Bruce Johnston, qui représente la plaignante. Les indemnités seront déterminées à la pièce.

En appel

La Ville de Montréal compte porter la décision en appel. Le directeur des relations professionnelles, Jean-Yves Hinse, souligne que ses services ont fait tout en leur pouvoir pour empêcher les moyens de pression de nuire au déneigement.

«Ce n'est pas à la Ville ni aux citoyens de Montréal de payer pour les gestes illégaux du syndicat», a-t-il affirmé.

Le Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal a aussi l'intention de contester la décision, a indiqué son négociateur en chef, Marc Ranger. Il a donc préféré réserver ses commentaires sur le jugement.

C'est la deuxième fois qu'un tribunal de première instance condamne le Syndicat des cols bleus à dédommager des victimes de ses moyens de pression. Le premier jugement, rendu en 2007, a toutefois été cassé par la Cour d'appel. La Cour suprême a ensuite refusé d'entendre l'appel des plaignants.

Mais cette fois, l'avocat qui représente Grace Biondi, Bruce Johnston, a bon espoir de gagner sa cause, car la juge Grenier a remis en question la crédibilité des témoignages des dirigeants syndicaux. Elle a également relevé des «contradictions» dans la version des faits de la Ville.

«On est très forts devant un appel parce que la juge de première instance a évalué la crédibilité des témoins, a indiqué Me Johnston. Les tribunaux d'appel n'interviennent que très rarement sur ce genre de conclusion.»