Le chef de l'opposition officielle, Benoit Labonté, a nié hier les affirmations du site ruefrontenac.com selon lesquelles il aurait reçu, l'an dernier, «une centaine de milliers de dollars» de la part de l'homme d'affaires Tony Accurso à la suite d'un repas pris en sa compagnie, alors qu'il était candidat à la direction de Vision Montréal.

Selon l'enquête du journaliste indépendant Fabrice de Pierrebourg, diffusée sur le site ruefrontenac.com, M. Labonté a rencontré le président des compagnies Louisbourg Construction et Simard-Beaudry Construction dans un restaurant du Vieux-Montréal le 17 mars 2008. Cette rencontre aurait permis à M. Labonté de financer une partie de sa campagne qui a coûté très cher, notamment la soirée «à l'américaine» à la Société des arts technologiques, le 30 mars 2008.

 

Plusieurs personnes auraient participé à ce repas. M. Labonté aurait sollicité «devant témoins» que Tony Accurso l'aide à financer sa course à la chefferie. «Avant de se lever de table, puis de payer la note, Accurso aurait accepté de donner un coup de pouce à l'aspirant maire», écrit le journaliste.

En point de presse, hier, Benoit Labonté a nié en bloc. Il a dit avoir «croisé» une fois Tony Accurso à l'occasion d'une activité organisée en 2006 par Union Montréal, son ex-parti. Tout le reste est, selon lui, «mensonger». «Il semble qu'en politique, tous les coups bas soient permis en campagne électorale, mais je dois admettre que celui de ce matin (hier matin) est vraiment un coup directement en bas de la ceinture, a-t-il lancé. Je nie catégoriquement les insinuations publiées ce matin par ruefrontenac.com.»

Benoit Labonté assure que le 17 mars 2008, jour où aurait eu lieu cette rencontre, il n'avait aucun petit-déjeuner, dîner ou souper d'affaires notés dans son agenda. M. Labonté a envoyé, hier après-midi, une demande de rétractation à ruefrontenac.com et a déclaré que si le site ne se rétracte pas, «des poursuites judiciaires en diffamation seraient intentées».

Mais ruefrontenac.com persiste et signe et maintient que tout ce qui a été publié est exact. «On a mis ça entre les mains de nos avocats, dit Richard Bousquet, coordonnateur de ruefrontenac.com. Le travail de Fabrice a été fait avec toute la rigueur nécessaire et toutes les vérifications ont été faites par nos avocats. Il n'est pas question que l'on se rétracte.» Rappelons que le site ruefrontenac.com est tenu par les journalistes en lock-out du Journal de Montréal.

Hier soir, le journaliste Davide Gentile de Radio-Canada a, à son tour, diffusé un reportage dans lequel il affirme que, selon ses propres sources, M. Labonté a bel et bien rencontré M. Accurso dans un restaurant en mars 2008. Le journaliste de la télé publique affirme que Vision Montréal a reçu de l'argent comptant en 2008 et l'a transformé en contribution politique légitime. «Le principe, c'est l'argent qui rentre. Source X et l'entourage de Labonté demandent à du monde: «Je te donne 500$ ou 1000$ cash, fais un chèque au parti ou en contrepartie.» C'est comme ça», a expliqué une source à Radio-Canada.

Une source confirme à La Presse

Ces allégations de versement d'argent comptant en contributions politiques ont été également faites hier, à La Presse par une source: «Tous les partis font ça. C'est une sorte de blanchiment d'argent. L'argent vient, on ne sait pas d'où. Là, tu le divises par des individus qui le mettent légalement dans une caisse politique d'un parti avec un chèque.»

La Presse a voulu que M. Labonté commente les nouvelles informations obtenues par Radio-Canada. «On s'en tient à la déclaration de cet après-midi», a dit Caroline Martel, porte-parole de Vision Montréal. Mais allez-vous demander une rétractation à Radio-Canada? «Toutes les options sont envisagées», a par la suite ajouté Mme Martel.

Louise Harel: malaise

M. Labonté était en présence de Louise Harel quand il a nié avoir mangé avec M. Accurso le 17 mars 2008. Mme Harel semblait mal à l'aise. Comme elle n'avait pas dit un mot, un journaliste lui a demandé de commenter l'affaire. Tout doucement, elle a dit : «Je suis à ses côtés», «je n'ai pas de doutes sur l'intégrité de M. Labonté», ajoutant qu'il s'agissait d'une «machination».

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a dit, hier que «son idée est faite sur M. Labonté depuis deux ans».

«Je me suis fait mon opinion sur le personnage de M. Labonté dans le dossier de la gare Viger, surtout quand il nommé Cameron Charlebois sur son comité consultatif d'urbanisme, a-t-il dit. Pour moi, mon idée était faite. Benoit Labonté, c'est Zampino 2. Le tandem Harel-Labonté ressemble étrangement au tandem Tremblay-Zampino. Quelqu'un en façade pour jouer le rôle de maire de Montréal et le vrai pouvoir, le manipulateur de marionnettes. Avec Tremblay, c'est Zampino. Quand ce sera Harel, il s'appellera Benoit Labonté.»

M. Bergeron dit que l'an dernier, il avait demandé aux journalistes de se demander quelle était la source de financement de M. Labonté «puisque dans les deux rapports officiels de Vision Montréal des deux années antérieures, il y avait un déficit cumulé de 350 000$». «Et après, subitement, on voit le visage de Labonté partout. Il a bien fallu que quelqu'un la finance cette campagne-là. Alors ce qu'on apprend, c'est cohérent avec les dates.»

Au moment de mettre sous presse, Benoit Labonté était en discussion avec ses avocats.

Enveloppes brunes et autres 25 000$

De nouvelles allégations divulguées tard hier soir risquent de créer une seconde onde de choc chez Vision Montréal. Selon un reportage diffusé au bulletin de 22 heures de TVA, Benoit Labonté aurait reçu un versement de 25 000$ ainsi qu'une enveloppe brune remplie de liasses d'argent de la part d'une des trois firmes impliquées dans le scandale des compteurs d'eau. Il ne s'agirait toutefois pas d'une entreprise dirigée par Tony Accurso. Selon une source qui a témoigné sous le couvert de l'anonymat, le premier versement aurait eu lieu à la mi-mars 2008, alors qu'il était dans la course au leadership de son parti. Lorsque l'un de ses collaborateurs a manipulé les liasses «comme un jeu de cartes» pour indiquer que l'argent s'y trouvait, le chef de l'opposition officielle aurait demandé si «le compte y était» et si le «25» y était. Selon une deuxième source citée dans l'enquête de TVA, un dirigeant de la même compagnie aurait remis une somme de 25 000$ à Benoit Labonté à la suite d'une rencontre survenue dans un restaurant de Montréal un mois plus tôt, à la mi-février 2008.

Avec Daphné Cameron