«L'honneur existe peut être encore au sein de la mafia mais il n'y a plus d'éthique», affirme Pierre De Champlain.

L'ancien analyste de la Gendarmerie Royale du Canada, qui a longtemps analysé les mafias montréalaise, canadienne et américaine et qui est l'auteur de livres sur le crime organisé, a été interpellé lorsqu'il a lu qu'Antonio De Blasio, 45 ans, a été tué sous les yeux de son fils, mercredi soir, dans l'arrondissement Saint-Léonard.

Ce que l'on sait aujourd'hui, c'est que De Blasio, que la police considère comme étant lié à la mafia, a été abattu d'une demi douzaine de projectiles tirés à partir d'un véhicule en marche, dans un parc achalandé, au milieu d'une belle soirée d'été, alors que plusieurs jeunes joueurs de football de 12 et 13 ans venaient de terminer leur entraînement. «Le fils de la victime et d'autres joueurs, qui marchaient tous ensemble, se sont mis à courir dans toutes les directions, au son ahurissant des cinq ou six coups de feu», a décrit un résident de Saint-Léonard à La Presse. Plusieurs parents étaient également tout près.

Pour Pierre De Champlain, un meurtre est un meurtre, et n'a pas sa raison d'être. Il affirme toutefois qu'on n'aurait jamais vu une telle scène dans la mafia montréalaise il y a quelques années.

«Est-ce que l'honneur existe encore ? Je regarde ça aujourd'hui au sein de la mafia. On est dans les 3ème et même 4èmegénérations. L'honneur est un concept qu'on a beaucoup perdu. Ce n'est plus ce que c'était dans les années 40, 50, 60 ou 70, dans la Cosa nostra canadienne ou américaine, alors qu'on ne se débarrassait pas d'une personne devant les membres de sa famille», affirme M. De Champlain.

«L'honneur au sens traditionnel du mot que je connais au sein de la mafia, comme les Rizzuto ont connu depuis Cattolica Eraclea en Sicile, et même les Cotroni, existe-t-il encore ? Je commence à en douter», ajoute l'ancien analyste.

D'autres exemples

En mars 2016, un mafioso, Lorenzo Giordano, a été tué dans sa voiture, alors que sa conjointe était assise à côté de lui. L'été dernier, un autre individu lié à la mafia, Marco Pizzi, a été victime d'une tentative de meurtre à proximité d'une garderie. Cependant, c'est peut être parce que des enfants de cette garderie jouaient dans un parc à proximité et que les deux suspects les ont vus qu'ils n'ont pas tiré.

Un homme et une femme accompagnaient le chef de clan Salvatore Scoppa lorsqu'un assassin a tenté de le tuer à Terrebonne, en février dernier.

«Ces crimes et l'exemple de mercredi soir, s'ils ont été commis par des gens affiliés à la mafia, démontrent que les tueurs ne se préoccupent plus de l'éthique et des protocoles. Contrairement à la Cosa nostra traditionnelle, qui préconisait en général la sécurité du public, on constate aujourd'hui que bien des meurtres de la mafia sont commis au mépris des règles de cette sécurité», dit M. De Champlain.

Plusieurs, sinon la plupart des meurtres et tentatives de meurtres au sein de la mafia montréalaise ces dernières années ont été «sous-traités» c'est à dire commis par des individus liés aux gangs de rue, issus de groupes plus ou moins structurés et organisés. 

«Les jeunes sont prêts à n'importe quoi pour se faire voir auprès des supposés leaders. Le message va se passer dans le milieu interlope, tout le monde va savoir qui a fait le contrat de mercredi. Aujourd'hui, les jeunes, la seule chose qui résonne dans leur tête, c'est l'argent, le pouvoir et le prestige d'entrer dans ces organisations là», conclut l'auteur.

Les motards pas en reste

Au cours des dernières années, au moins trois individus ont été tués ou blessés sous les yeux de proches lors de crimes que la police croit reliés aux motards.

Le six mai 2015, Richard Rousseau, 50 ans, a été tué alors qu'il était accompagné d'une femme, en pleine rue, à Terrebonne.

Le 16 avril 2016, l'ancien Nomad de l'Ontario, Philippe Boudreau, a été blessé gravement de plusieurs coups de feu alors qu'il se trouvait sur sa moto avec sa conjointe, dans la région de Lachute.

Le 15 septembre 2016, Sylvain Éthier a été tué sous les yeux d'une femme à Sainte-Thérèse.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.