Un rapport de renseignement protégé préparé par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sur les demandeurs d'asile colombiens en 2015, et que La Presse a obtenu, décrit ces groupes désignés par l'acronyme anglais SATGs, pour South American Theft Groups (Groupes de voleurs sud-américains).

Ces groupes sont fichés par le Federal Bureau of Investigation (FBI) américain, qui en donne une brève description citée dans le document.

«Les membres ont plus de 20 ans et sont des hommes et des femmes. Ils sont très mobiles, se déplaçant d'une ville à l'autre, d'un pays à un autre, à la recherche de victimes et pour commettre plusieurs vols dans les différentes juridictions.

«Les SATGs sont plus violents que les autres groupes, utilisant souvent des armes à feu et des couteaux pour commettre leurs délits. Ils utilisent de l'équipement sophistiqué, effectuent leurs propres filatures et de la contre-filature avec plusieurs véhicules, et développent leurs informateurs dans les industries de luxe, pour cibler des représentants et des gens d'affaires», résume le FBI.

Présents à Montréal

Selon le document, au cours des 10 dernières années, le SPVM a répertorié «des centaines d'événements de vols par subterfuge dans des véhicules à Montréal commis par des sujets d'origine colombienne».

Durant les six premiers mois de 2015, le SPVM avait répertorié au moins 30 vols au cours desquels les suspects ont visé particulièrement des bijoux, de l'argent et des produits Apple.

«Les sujets d'origine colombienne utilisent toujours le même mode opératoire. Il est donc permis de croire que ces bandes criminalisées colombiennes opèrent dans la grande région métropolitaine de Montréal», peut-on lire dans le rapport.

«Au Québec, les SATGs sont presqu'exclusivement d'origine colombienne et commettent des vols de bijoux, d'argent, de produits Apple et de vêtements griffés. Certaines cellules de SATGs arrêtés avaient des armes contondantes soient des couteaux, des couteaux à lames rétractables, des cutters et des tournevis. Un sujet distrait la victime pendant que d'autres commettent le vol», ajoute-t-on plus loin.

Pneu crevé et fausses identités

Les SATGs répètent certains stratagèmes. Par exemple, pendant que leur victime est dans un bureau de change, ils vont crever l'un des pneus de sa voiture. Lorsque leur cible remonte à bord de son véhicule et s'éloigne, ils la suivent et la préviennent qu'elle a une crevaison. Un des voleurs va se poser en bon samaritain et distraire la victime, en faisant mine de l'aider, pendant que les autres vont voler son argent.

Les SATGs utilisent de faux documents et cartes. Ils parlent espagnol, parfois en code, et communiquent entre eux avec des téléphones prépayés, des walkies-talkies ou par signes de la main. Les cellules québécoises de SATGs comptent entre deux et dix membres, mais peuvent aller jusqu'à 40 personnes, selon l'envergure du méfait. Ils ont entre 28 et 62 ans. Ils louent des voitures avec de faux papiers ou achètent à bas prix des véhicules usagés qu'ils paient comptant. Les autorités croient que les SATGs exportent vers d'autres pays, surtout d'Amérique latine, une bonne partie des biens volés et y transfèrent également des sommes d'argent.

Les Colombiens qui entrent illégalement au Canada le font habituellement avec un vrai passeport espagnol comportant une page biographique contrefaite, avec un faux passeport mexicain ou avec un vrai passeport mexicain volé.

En 2014 et 2015, ils sont surtout arrivés au Québec par l'aéroport Trudeau et des routes non gardées dans le secteur de Lacolle, notamment par un terrain de golf situé à Saint-Bernard-de-Lacolle, indique le rapport.

Des craintes

Certaines personnes au fait des dossiers craignent que des terroristes puissent utiliser cette filière d'entrées illégales au Canada.

L'Agence des services frontaliers du Canada a décliné notre demande d'information «en raison d'enquêtes et d'investigations en cours relativement à ce rapport».

«L'ASFC vérifie l'identité des personnes à l'aide de données biographiques et biométriques dans des bases de données canadiennes, internationales et des partenaires de l'Agence. Des vérifications de sécurité nationale, de criminalité et de santé sont effectuées», a écrit à La Presse un porte-parole de l'agence.

À la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, on nous a dit ne pas pouvoir commenter de cas précis alors qu'à Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada, on n'a pas été en mesure de fournir les statistiques dans les délais demandés.