Un homme qui a volontairement perforé son condom pendant des relations sexuelles ne mérite pas la prison ferme selon la défense, puisqu’il n’a pas « forcé » les femmes et que celles-ci étaient d’abord consentantes. La Couronne entend réclamer une peine de quatre ans de pénitencier.

William Bernard Martin a agressé sexuellement deux travailleuses du sexe en 2020 dans un salon de massage érotique de Montréal. Les femmes croyaient au départ que le préservatif s’était brisé par hasard pendant la relation – d’abord consentante. Or, il s’agissait en fait du modus operandi de l’accusé. On ignore comment il perforait le condom pendant la relation.

Sa défense, au procès, avait de quoi surprendre : il blâmait la taille imposante de son pénis pour expliquer les bris répétés des préservatifs. Une version écartée par le juge.

Le Français de 31 ans a été déclaré coupable de deux chefs d’agression sexuelle et de trois chefs pour avoir obtenu des services sexuels moyennant rétribution en février dernier.

Les observations sur la peine devaient avoir lieu mercredi au palais de justice de Montréal. Or, l’avocat de la défense, MRobert Bellefeuille, a demandé un report afin de produire des évaluations d’experts. L’avocat s’est dit surpris par la peine de quatre ans de pénitencier réclamée par la poursuite, puisqu’il prévoit demander une peine de prison dans la collectivité (à la maison).

Pour justifier une telle peine, MBellefeuille a donné un aperçu de ses arguments. Il a ainsi expliqué que le « consentement exist[ait] au départ » entre son client et les victimes. Or, la Cour suprême a déjà tranché que le sabotage ou le retrait d’un condom pendant une relation sexuelle d’abord consentante annule dans les faits le consentement.

Le criminaliste a soulevé un autre argument plutôt étonnant. « C’est quand même une circonstance différente, ce n’est pas un individu qui couche avec son ex-conjointe et qui force une relation sexuelle. Ce n’est pas le même cas », a plaidé MBellefeuille.

Dans l’arrêt Kirkpatrick, qui porte justement sur l’utilisation du condom, la Cour suprême rappelait en 2022 que le fait de définir le « viol véritable » par la « violence physique qui dépasse la violence du contact non consensuel » représente un mythe.

En entrevue avec La Presse, l’avocat s’est défendu de propager des mythes et stéréotypes. « Je cite la Cour suprême », a-t-il répliqué, en citant l’arrêt Kirkpatrick. L’absence de « violence physique » dans le dossier est importante dans le choix de la « fourchette de peine », a-t-il poursuivi.

« Ça n’a rien à voir avec le travail de la plaignante. Mais il y a un consentement. Ok. […] C’est quoi sa responsabilité [à l’accusé] ? Elle consent. Il y a paiement. Un moment donné, à la toute fin, parce que la plaignante… », a fait valoir MBellefeuille en entrevue.

Devant la cour, MBellefeuille a aussi semblé minimiser les conséquences du crime sur l’une des victimes en citant avec désinvolture sa déclaration sur les impacts du crime. « Il n’y a pas de répercussions physiques, pas de répercussions économiques », a-t-il énuméré au juge.

Appelé à préciser ses propos, il explique ceci à La Presse, sans toutefois terminer sa pensée : « Elle dit bien qu’elle n’a pas de répercussions d’ordre physiques, de séquelles. Sauf pour le plan émotif. Quand on rentre dans ce qui est devenu émotif pour elle, ce que j’ai compris… »

La peine réclamée par la Couronne est une sentence « trop élevée », selon la défense. L’emprisonnement avec sursis est adéquat, notamment parce que William Bernard Martin a perdu son emploi à la suite du verdict, a expliqué MBellefeuille. Son visa de travail expire l’an prochain.

« On était prêt à procéder », a indiqué la procureure de la Couronne, MLaurence-Fanny L’Estage. Le juge André Perreault a finalement autorisé la confection d’un rapport présentenciel avec un volet sexologique. Les plaidoiries sur la peine auront lieu en juillet prochain.