« Un monstre. C’est ce qu’il est. Ce qu’il a fait n’est rien de moins que monstrueux », assène Michel Leblanc. Le « monstre », c’est son frère Denis Leblanc, qui a froidement assassiné leurs deux sœurs et failli tuer une voisine en octobre 2020. Frondeur et irrespectueux, le meurtrier a méprisé la douleur de ses proches mercredi lors d’une audience à fleur de peau.
« Monsieur Leblanc, vous allez arrêter de marmonner et de parler ! », a même tonné le juge Mario Longpré, en interrompant le témoignage bouleversant de la belle-fille de Sylvie Leblanc, abattue par le meurtrier.
Le Montréalais de 63 ans a été reconnu coupable par un jury, à la mi-février, du meurtre au premier degré de ses deux sœurs Diane et Sylvie Leblanc, ainsi que de tentatives de meurtre à l’égard de sa voisine et de deux policiers. Quand le juge a informé Denis Leblanc qu’il était tenu de le condamner à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, l’accusé semblait s’en moquer.
« Pas de problème », a-t-il lâché, arrogant.
Denis Leblanc a bien failli empêcher ses proches éplorés de témoigner de leur souffrance à la cour, puisqu’il a congédié ses avocats au début de l’audience. C’est la sixième fois en quatre ans qu’il change d’avocat. Le juge Longpré a toutefois accepté d’entendre les victimes et de reporter les plaidoiries sur les peines à imposer sur les autres chefs.
Le 3 octobre 2020, Denis Leblanc voulait faire un « carnage ». Il l’avait dit à plusieurs personnes : il voulait tuer des femmes, dont des policières. « Si ce sont des femmes qui passent dans la ruelle, je vais tirer les femmes », avait lancé Denis Leblanc à un voisin. Dans son appartement, il avait placé des carabines à plusieurs endroits stratégiques.
Quand ses deux sœurs arrivent par l’arrière de l’immeuble, Denis Leblanc ouvre le feu. Elles n’ont aucune chance. Après les meurtres, le tueur s’allume une cigarette, enjambe les corps et marche jusqu’à l’appartement de sa voisine, Lina Petrilli, qui l’avait éconduit. Elle frôle la mort ce jour-là.
« L’évènement qui a détruit ma vie », souffle Lina Petrilli. Son témoignage est bouleversant. Ce « choc extrême » l’empêche de travailler. Ses rêves ont été anéantis. Elle souffre d’une peur constante.
« J’ai perdu tout le sens de mon existence. J’essaie de me reconstruire petit peu par petit peu, un jour à la fois », témoigne-t-elle.
Pourtant, elle avait déjà porté plainte au Service de police de la Ville de Montréal. Quelques mois plus tôt, à la Saint-Valentin 2020, Denis Leblanc avait commencé à la harceler par messages textes. Quand elle s’est présentée au poste de police, on l’a renvoyée chez elle. Les policiers sont venus 11 heures plus tard sans retenir sa plainte. Les textos ont continué de s’accumuler toute la nuit. Même scénario le lendemain : sa plainte a été rejetée.
« Par peur, j’ai acheté la paix. J’ai acheté les excuses de M. Leblanc. Pour le reste de l’histoire, vous le savez… », lâche-t-elle.
Stéphanie Bédard considérait Sylvie Leblanc comme sa principale figure maternelle. Depuis cet « injuste carnage », le temps s’est arrêté pour elle. « C’est ma deuxième mère qui m’a été volée, la mère que je m’étais choisie. Sylvie, c’était mon modèle, ma confidente, celle qui me connaissait mieux que quiconque », a sangloté la femme.
Elle a même dû quitter son emploi dans les Forces armées canadiennes, puisqu’elle n’était plus capable de porter une arme à feu.
Michel Leblanc, frère des deux victimes et de l’accusé, décrit un « deuil teinté de dégoût, de colère et de cynisme ». Selon lui, son frère a carrément exécuté leurs sœurs. Même s’il se moquait des lois, il leur a demandé de se placer à des endroits précis, à une certaine distance, prétendument pour des raisons liées aux mesures sanitaires alors en vigueur.
« Aussi horrible que cela puisse paraître, je crois qu’il les a placées pour se faciliter la tâche. Pour mieux les exécuter », lâche Michel Leblanc. Son frère est un cas « irrécupérable », selon lui.
Les deux fils adultes de Diane Leblanc, Félix et Samuel Lambert, ont décrit dans une lettre « des femmes aimantes, altruistes, généreuses et toujours prêtes à aider ». « Nous perdons leur connaissance, leur savoir, leur sagesse et leur amour », ont-ils écrit.
Le fils de Sylvie Leblanc avait 12 ans ce jour tragique. Elle était son seul parent. Résilient, l’adolescent a écrit une lettre inspirante qui a été lue à la cour.
« Malgré tout ce chamboulement, on se relève et on continue. Je m’accroche à ceux qui me sont chers, à ma famille et à mes amis. J’ai le rôle d’idole à la maison pour les tout-petits. […] J’avance, je ne m’arrête pas », confie l’adolescent, qu’on ne peut nommer.
Le dossier revient en cour vendredi. Le meurtrier doit tenter de se trouver un avocat d’ici là.
Me Pierre-Olivier Bolduc et Me Katerine Brabant représentent le ministère public.