Un ex-employé de Vidéotron soupçonné d’avoir sérieusement mis en péril la sécurité du réseau en s’emparant de milliers de documents « hautement confidentiels et sensibles » est accusé d’outrage au tribunal. Paul X. Zheng aurait supprimé des milliers de fichiers de Vidéotron quelques minutes à peine après le début de la perquisition menée à son domicile.

L’histoire jusqu’ici

1er mars 2023

Paul X. Zheng est congédié par Vidéotron. Il serait parti avec des milliers de documents confidentiels.

8 mars 2023

Une perquisition demandée par Vidéotron est effectuée chez M. Zheng. Tous ses ordinateurs sont saisis.

3 août 2023

La Presse révèle l’affaire, jusque-là frappée de strictes ordonnances de confidentialité.

15 novembre 2023

M. Zheng est accusé d’outrage au tribunal.

« C’est odieux ! Ils n’ont rien trouvé ! Il n’y a eu aucune communication [de documents] à des tiers, s’insurge en entrevue MPaul-Yvan Martin, avocat de Paul X. Zheng. Sa seule faute, c’est d’avoir dit à ses patrons que Vidéotron est en crise. Ils ne sont pas capables de faire face à la concurrence de Bell. »

Dans cette affaire révélée en août dernier par La Presse, Vidéotron allègue dans des documents judiciaires que Paul X. Zheng, un analyste de l’équipe d’accès filaire, a claqué la porte de l’entreprise en février 2023 en s’emparant d’une « quantité importante de renseignements, documents et informations hautement sensibles et confidentielles ».

Lisez « La sécurité du réseau de Vidéotron mise en péril par un employé »

Aux yeux de Vidéotron, la situation était alors extrêmement grave : la sécurité du réseau et des infrastructures pouvait être « compromise » si les documents « hautement confidentiels et sensibles » prétendument volés par M. Zheng étaient utilisés avec une mauvaise intention. « Il existe un risque réel pour la sécurité du réseau IP de Vidéotron », craignait l’entreprise.

Perquisition

C’est dans ce contexte d’extrême urgence que Vidéotron a obtenu une injonction de type Anton Piller, un véhicule procédural exceptionnel qui permet de mener une perquisition « civile » chez une personne. C’est ainsi que le 8 mars 2023, un serrurier a ouvert la porte de la résidence de M. Zheng, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, pour y permettre la saisie des documents de Vidéotron.

Or, Paul X. Zheng aurait « sciemment et volontairement détruit de la preuve pendant l’exécution » de l’ordonnance de la cour, allègue Vidéotron dans une requête déposée en novembre dernier.

La juge Eleni Yiannakis de la Cour supérieure a ainsi accusé M. Zheng d’outrage au tribunal. On lui reproche notamment de ne pas avoir coopéré pendant l’exécution de l’ordonnance. Il risque une peine d’un an de prison en cas de condamnation. Il a plaidé non coupable le 21 novembre dernier. Son procès est prévu ce printemps.

Cette requête « abusive » en outrage au tribunal est une pure « stratégie procédurale » de Vidéotron, réplique en entrevue MPaul-Yvan Martin. Selon lui, Vidéotron n’avait pas mis son dossier en état et risquait le rejet de sa poursuite.

Vidéotron soutient que Paul X. Zheng a supprimé 18 184 fichiers dans un ordinateur appartenant à son autre employeur – Vecima Networks – à peine 11 minutes après avoir consenti à l’exécution de l’ordonnance. Selon Vidéotron, M. Zheng était alors seul dans son bureau. Une « grande quantité » de ces fichiers contenait le mot-clé « Vidéotron ».

L’accusé se défend

Le camp Zheng a toutefois une explication : ces fichiers se sont effacés quand Paul X. Zheng a mis fin à un test informatique à l’arrivée de l’huissier. Ce jour-là, M. Zheng utilisait des fichiers – non confidentiels – pour tester des systèmes informatiques en matière de gestion de réseau pour Vecima.

D’ailleurs, si M. Zheng travaillait en parallèle pour cette entreprise de Vancouver, c’était pour maîtriser sa technologie susceptible de « sauver Vidéotron de sa situation extrêmement précaire », soutient MPaul-Yvan Martin.

Ce second emploi respectait en tout point son contrat chez Vidéotron, ajoute l’avocat.

Vidéotron reproche aussi à Paul X. Zheng d’avoir effacé le contenu d’un ordinateur appartenant à l’entreprise québécoise le 1er mars 2023. Une semaine plus tard, lors de la saisie, le disque dur était « totalement illisible » et l’ordinateur était « physiquement endommagé ». Il n’a pas été possible de réparer l’appareil.

Également, trois clés USB et un ordinateur ont été remis par M. Zheng deux jours après l’exécution de l’ordonnance. Certaines clés avaient été branchées à un appareil entre-temps, selon la déclaration sous serment d’un expert.

« Ses supérieurs lui en veulent »

Selon MMartin, Paul X. Zheng a été congédié abusivement pour avoir critiqué l’« incompétence » de ses supérieurs. « Ça n’a pas été toléré. Ses supérieurs lui en veulent et essaient de trouver un motif de congédiement, alors ils ont inventé le transfert illégal de documents », soutient MMartin.

La maîtrise difficile de l’anglais et du français de M. Zheng « passe mal » chez Vidéotron, avance également MMartin. Son client a été formé en génie en Chine dans les années 1980 et est titulaire d’une maîtrise en génie de Polytechnique Montréal.

Les allégations de Vidéotron ont des conséquences majeures pour M. Zheng, estime son avocat. « Il a tout perdu », lâche MMartin. De nombreux employeurs potentiels craignent les « espions chinois » et sont extrêmement frileux à embaucher son client, explique-t-il.

« Mon client n’a rien caché », répète MMartin. « Vidéotron, ils se battent à mort. Jamais ils ne lâchent », dit-il.

Vidéotron n’a pas souhaité commenter le dossier.