Une camionneuse alcoolique qui a consommé de 9 à 12 bières sur son parcours avant de causer un accident avec son poids lourd a réussi à faire annuler son congédiement. Son employeur avait omis de lui offrir un accommodement raisonnable.

La camionneuse a été arrêtée le 30 juin 2022 en Pennsylvanie, après l’embardée, avec plus de deux fois la limite permise d’alcool dans le sang. Elle était employée du Groupe Robert, une importante entreprise québécoise de transport.

« L’accident aurait pu causer des blessures importantes, voire la mort d’usagers de la route », note l’arbitre du travail Huguette April, dans sa décision rendue publique cette semaine.

Le Groupe Robert a aussitôt suspendu sa camionneuse, mais l’a seulement congédiée deux mois plus tard, une sanction automatique en vertu de la convention collective en vigueur.

Entre-temps, elle avait toutefois déposé à son employeur un document médical attestant qu’elle souffrait d’alcoolisme, en plus d’effectuer une cure fermée.

Cette déclaration entraînait des obligations pour le Groupe Robert, a tranché l’arbitre du travail au dossier.

« L’employeur a une obligation d’accommodement à l’égard du handicap de madame [soit l’alcoolisme]. Cet exercice n’a pas été fait, a-t-elle écrit. La plaignante a informé son Employeur de son alcoolisme le 8 juillet, soit avant son congédiement, et je n’ai pas de raison de douter qu’elle souffrait d’un tel handicap en juin 2022. »

« Il est vrai que la plaignante n’a pas informé son Employeur avant la date de l’accident de son problème de dépendance, a-t-elle continué. L’alcoolique est souvent la dernière personne à être au courant de sa maladie et il ne se l’avoue parfois que lorsqu’il est confronté sérieusement. La plaignante a déclaré en avoir pris conscience après l’accident, ce qui est fort malheureux, mais cela ne rend pas cette allégation moins crédible. »

Une belle victoire

La camionneuse était représentée devant le tribunal d’arbitrage par son syndicat, les Teamsters.

« C’est une belle victoire pour les travailleurs et les travailleurs handicapés en particulier. On est très heureux de la décision, étant donné que c’est un exemple frappant du devoir d’accommodement des employeurs », a affirmé son avocat, MDominique Goudreault. « C’est une situation où l’employeur n’avait pas pris ses responsabilités. »

MGoudreault a indiqué que plusieurs accommodements sont imaginables pour des camionneurs qui souffrent d’alcoolisme : l’installation d’un éthylomètre sur les camions, l’imposition de tests de dépistage quotidiens ou l’attribution d’un poste de gareur, par exemple. La camionneuse n’a « pas bu depuis la date de l’accident », a ajouté son avocat.

Le Groupe Robert ne voit pas les choses du même œil.

« La sécurité de tous les usagers de la route est notre priorité absolue, a indiqué le porte-parole Kim Leclerc par courriel. C’est dans cet esprit que nous avons pris la décision difficile de mettre fin à l’emploi d’une de nos camionneuses. »

L’annulation du congédiement sera contestée.

« Nous avons choisi de faire appel de la décision du tribunal d’arbitrage, a ajouté M. Leclerc. Nous avons une responsabilité envers la communauté de veiller à ce que nos employés respectent les normes les plus strictes en matière de sécurité. »