L’ancien leader du groupe d’extrême droite Atalante, condamné pour s’être introduit avec des complices masqués dans les locaux du média VICE Québec, souhaite bénéficier d’une absolution pour « progresser » dans sa carrière de camionneur. S’il ne fait plus d’« activisme de terrain », Raphaël Lévesque continue d’aider les « Canadiens français » blancs catholiques.

Acquitté en 2020 par la juge Joëlle Roy, l’homme de 39 ans avait finalement été reconnu coupable d’introduction par effraction par la Cour d’appel du Québec l’an dernier. Trois ans plus tard, le militant d’extrême droite se retrouve à nouveau devant la juge Roy pour l’imposition de sa peine.

L’affaire avait fait grand bruit en mai 2018. Accompagné de six complices masqués d’Atalante, Raphaël Lévesque était entré dans les locaux du média montréalais VICE Québec grâce à un subterfuge et avait remis un trophée « humoristique » rempli de mégots au journaliste Simon Coutu qui écrivait sur leur organisation. Les intrus avaient fait jouer de la musique et avaient lancé des tracts et des nez de clown.

Le militant d’extrême droite a répété vendredi ne plus faire « d’activisme de terrain » et ne plus être membre d’Atalante. Toutefois, il reconnaît avoir participé dans la dernière année à trois distributions de nourriture destinée à des « Canadiens français » avec des comparses d’Atalante. Une photo publiée sur le compte Telegram d’Atalante – qui compte 400 membres – montre Lévesque et une douzaine de militants masqués en mai dernier.

PHOTO DÉPOSÉE EN PREUVE

Des militants du groupe Atalante rassemblés en mai 2022 pour une distribution de nourriture. Raphaël Lévesque est l’homme masqué au centre avec un chandail blanc.

Questionné par la procureure de la Couronne MGeneviève Boutet sur sa définition de « Canadiens français », Raphaël Lévesque a ironisé sur les « salopards de race blanche », poussant la juge Roy à intervenir. « Moi, les idées de monsieur, ça ne m’intéresse pas », a-t-elle dit.

Dans un monologue de plusieurs minutes, la juge a affirmé avoir « eu l’impression d’assister ce matin à une morale contre une autre ». La magistrate est alors revenue sur le déroulement du procès en 2020. Selon elle, il y avait alors eu de « la violence entre deux groupes ».

Nature du crime

Au procès, la juge avait très durement reproché au procureur d’avoir été « agressif » et « agressant » envers elle en plaidant la ressemblance du logo d’Atalante avec le signe des SS du régime nazi.

À l’époque, j’avais avisé le procureur de la poursuite de ne pas aller dans des zones, parce que la salle était bondée de journalistes, de gens de différentes idéations politiques ou culturelles. C’était inutile, dans le sens que ça peut juste créer des problèmes. C’est juste pour éviter une espèce d’escalade qui est inutile.

La juge Joëlle Roy

La juge a insisté sur le fait que Raphaël Lévesque n’avait pas commis de crime haineux, mais avait seulement remis un trophée poubelle à un journaliste. Son crime n’avait « aucune idéation politique », a-t-elle déclaré.

Par ailleurs, la juge Roy a refusé à la procureure de demander à l’accusé de révéler le nom de son employeur, jugeant une ordonnance de non-publication insuffisante pour le protéger. « Je l’ai vu, des gens qui appellent l’employeur et font perdre l’emploi à la personne. Monsieur est un père de famille », a justifié la juge.

« Pas très chevaleresque »

Sans exprimer de réels remords, Raphaël Lévesque s’est dit « désolé » d’avoir « effrayé » une journaliste de VICE ébranlée par les évènements. « Ce n’est pas très chevaleresque », a-t-il admis.

Il assure n’avoir jamais eu l’intention d’intimider ou d’empêcher un journaliste d’écrire. « La liberté de la presse, c’est important pour moi », a-t-il témoigné. C’est pourquoi il s’engage à donner 1000 $ à Reporters sans frontières.

Camionneur depuis cinq ans, Raphaël Lévesque soutient travailler 70 heures par semaine, dormir dans son camion la semaine et aller à la messe le dimanche. Il lui serait ainsi difficile de faire beaucoup de travaux communautaires.

Il y a un nombre maximal d’heures pénibles qu’un homme peut faire pour garder sa santé mentale.

Raphaël Lévesque, ancien leader du groupe d’extrême droite Atalante

La défense réclame une absolution conditionnelle et l’imposition de 50 à 75 heures de travaux communautaires (TC), alors que la Couronne demande un sursis de peine et 150 heures de TC. Notons que Raphaël Lévesque a déjà un casier judiciaire pour trafic de stupéfiants. Un sursis de peine reporterait ainsi de plusieurs années son admissibilité à un pardon.

Selon la défense, Raphaël Lévesque risque de ne jamais obtenir un meilleur emploi s’il n’obtient pas l’absolution. Dans le milieu du camionnage, une condamnation pour introduction par effraction s’apparente à être considéré comme un « voleur », selon l’accusé.

La défense estime que le crime commis par Raphaël Lévesque n’est qu’une « infraction technique ». MMathieu Corbo a ainsi résumé l’évènement comme une simple remise d’un « prix humoristique » d’une minute quinze. « Dans l’échelle de gravité, ce n’est même pas sur la première marche de l’échelle », a-t-il plaidé.

MCorbo a également souligné le processus judiciaire « pénible » pour son client.

La juge Roy rendra jugement dans les prochaines semaines.