Même si Riley Fairholm avait laissé des messages à des proches et qu’il s’était lui-même signalé au 911, l’adolescent en crise abattu par la Sûreté du Québec à Lac-Brome en juillet 2018 ne cherchait pas à mourir sous les balles des policiers, conclut la coroner, MGéhane Kamel. Dans son rapport d’enquête rendu public mercredi, elle appelle la Sécurité publique à améliorer la formation des policiers pour intervenir auprès des personnes en crise.

« Je ne retiens pas la thèse du suicide par policier interposé qui m’a été présentée par certains témoins », écrit la coroner à la suite de son enquête publique menée en juin dernier à Sherbrooke.

Les faits remontent au 25 juillet 2018, alors qu’un appel d’urgence fait au 911 à 1 h 21 du matin décrit avec précision un homme blanc armé, seul, à pied, en train de crier sur le chemin Knowlton en direction de Cowansville. Une vingtaine de minutes plus tard, six policiers localisent Riley Fairholm dans le stationnement d’un restaurant désaffecté. Le jeune homme de 17 ans « agite une arme dans tous les sens, de haut en bas, et en balayant l’air de gauche à droite, entre autres en direction des policiers », et refuse de la lâcher, malgré plusieurs demandes en ce sens, relate MKamel. Un policier fait feu, atteignant Riley à la tête.

« Je n’ai pas de doute que les policiers ont craint pour leur vie » et que ceux-ci « ont agi tel qu’enseigné à l’ENPQ [École nationale de police du Québec] », écrit MKamel, en soulignant toutefois que « l’intervention policière a duré moins de deux minutes ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La coroner Géhane Kamel, lors d’une conférence de presse en octobre 2021

Après avoir cité des rapports des coroners Jean Brochu et Luc Malouin sur des interventions policières ayant coûté la vie à des personnes en crise (Mario Hamel, Alain Magloire, Pierre Coriolan), MKamel met à son tour l’accent sur la formation des policiers.

Apprendre à négocier avec des personnes en crise

« Selon le Guide de pratiques policières, les policiers doivent obligatoirement se requalifier, annuellement, pour l’usage d’une arme à feu. Cette requalification est tout à fait appropriée. Mais, qu’en est-il pour la négociation avec des personnes en crise ? », fait-elle valoir.

La coroner recommande au ministère de la Sécurité publique de « mettre en place dans les meilleurs délais une formation annuelle pour tous les corps policiers pour être aptes à intervenir auprès des personnes en crise ».

Le Ministère analyse les recommandations pour y répondre, a indiqué le nouveau ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, dans une déclaration par courriel. « Nos policiers travaillent avec tous les partenaires pour mettre en place des outils afin de mieux composer avec les problèmes de santé mentale lors des interventions policières », a-t-il précisé.

Parmi ses dix recommandations à la Sécurité publique, MKamel suggère aussi de former les répartiteurs des services d’urgence pour « déceler les appels provenant d’une personne en crise suicidaire ».

Et puisque l’engin tenu par Riley était en fait une arme à air comprimé (ce que les policiers, postés à distance, ignoraient avant de tirer), MKamel recommande « des campagnes de sensibilisation sur la dangerosité que représente la possession d’armes à air comprimé ».

Le MSSS également pointé du doigt

Ce « rendez-vous fatal avec les policiers » n’aura été que « la dernière pierre », estime toutefois la coroner.

Malgré « une détresse importante, un risque suicidaire constant et tous les signes d’une dépression majeure », ainsi que des « comorbidités suspectées », dont un trouble bipolaire et un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) dans les années précédant le drame, « il est devenu apparent que les professionnels qui se sont succédé auprès du jeune homme ne feront pas non plus de suivi afin de vérifier comment se porte Riley », dénonce MKamel.

La coroner demande aux ministères de l’Éducation et de la Santé et des Services sociaux (MSSS) d’améliorer leurs communications.

Et ayant entendu la psychologue qui a suivi Riley dénoncer « le manque de psychologues anglophones dans la région anglicisée des Cantons-de-l’Est », elle recommande au MSSS de « répondre aux besoins des clientèles anglophones ».

Des mesures existent déjà pour que les anglophones reçoivent les services dans leur langue, a mentionné le MSSS par courriel, en rappelant qu’il avait trois mois pour informer le Bureau du coroner des suivis prévus.

Le MSSS et le ministre de la Sécurité publique ont exprimé leurs pensées et condoléances à la famille et aux proches de Riley Fairholm.