Des Glock à gogo. Des Beretta à profusion. Des armes modifiées sur demande avec, en prime, un chargeur à haute capacité. Un coup de fil et quelques rencontres dans un restaurant suffisent pour se procurer pistolets et mitraillettes par l’entremise d’un réseau de revente illégale qui a alimenté les gangs de rue liés aux fusillades des deux dernières années.

Quatre trafiquants, piégés par un agent double, ont été arrêtés pour avoir mené ce trafic qu’ils estimaient pourtant « pas si payant ». Deux d’entre eux ont déjà été condamnés à des peines de pénitencier.

Jérémie Lamontagne, tête pensante du réseau, a plaidé coupable lundi dernier à plusieurs accusations liées au trafic d’armes à feu. Il devrait écoper de six ans de pénitencier.

L’Équipe intégrée de lutte au trafic d’armes (EILTA), par l’intermédiaire d’un agent d’infiltration, était parvenue à démanteler ce réseau de trafiquants l’été dernier. La police avait mis la main au collet de Lamontagne, résidant de Delson, fils du chef des pompiers. Ses coaccusés Jonathan Lavigne, Marc-André Lefebvre et Daniel Charléus avaient été arrêtés dans le cadre de cette opération.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

De nombreuses arrestations ont eu lieu le 1er juin dernier à Delson, à Saint-Amable, à Longueuil et à Montréal dans le but de neutraliser un réseau de trafic d’armes à feu lié aux gangs de rue montréalais.

Selon nos sources policières, la majeure partie des armes vendues par le quatuor était distribuée à des gangs de rue montréalais directement liés à la flambée de fusillades des deux dernières années.

Des propriétaires d’armes impliqués

Certains propriétaires légitimes d’armes à feu étaient de connivence avec le réseau criminel, selon les documents de cour obtenus par La Presse.

La preuve déposée devant le tribunal est une véritable incursion dans le monde du trafic d’armes, souvent dans les mots mêmes de ses acteurs piégés par la police.

Les dispositifs destinés à la revente sont obtenus de deux façons : par importation illégale ou avec l’aide de complices qui ont acheté légalement les armes.

Ces derniers les déclarent ensuite faussement volées, et le tour est joué, confie Lamontagne dès sa première rencontre avec l’agent double de l’EILTA.

Accompagné d’une personne possédant un permis de port d’armes, Jérémie Lamontagne se rendait dans plusieurs commerces de la Rive-Sud l’hiver dernier, selon le résumé des faits présenté en cour lundi dernier au palais de justice de Longueuil. C’est un tour d’horizon : le bandit s’informe sur l’achat d’armes à feu. Le mois suivant, il refait sa tournée avec une autre personne, « dans le but que cette dernière obtienne un permis d’arme à feu », peut-on lire.

Piégé par un agent double

À quelques reprises, Jonathan Lavigne indique à l’agent double « pouvoir lui obtenir ce qu’il veut ». Il est même question de l’achat d’une arme longue de type AK-47 ou AR15.

Il parle de « n’importe quel type de Glock » en montrant à l’agent d’infiltration des photos d’armes sur son cellulaire. Un Glock 19 avec silencieux ? C’est possible, assure M. Lamontagne, ajoutant qu’il doit « vérifier avec son gars à Montréal » pour le prix exact.

Il rencontre cet ami le lendemain. Quelques minutes plus tard, l’agent double reçoit trois photos d’armes et le prix de celles-ci.

Mais l’ami semble nerveux. Lamontagne décide donc de vendre une de ses armes personnelles à son nouveau client. Il empoche 6250 $ pour un Beretta 92FS, une arme à autorisation restreinte.

Un job « peu payant », selon Lamontagne

Mars 2022. Jérémie Lamontagne et son nouveau client sont attablés au restaurant KEG des Promenades Saint-Bruno. Le trafiquant d’armes parle à celui qu’il considère alors comme un futur complice d’une importante livraison : 50 armes se trouvant dans l’État de New York doivent traverser la frontière sous peu. Ces pistolets valent 600 $ chacun aux États-Unis. Ils se vendront entre 5000 $ et 6000 $ au Québec, soit 10 fois plus cher, précise-t-il dans les documents de cour obtenus par La Presse.

On indique dans ce même compte rendu qu’un mois plus tard, M. Lamontagne vend à l’agent double une arme de type AR-15 et un chargeur à haute capacité pour la somme de 12 500 $. Il explique qu’« il peut faire modifier l’arme pour la rendre complètement automatique ».

Le trafiquant d’arme empoche une autre somme de 12 000 $ de l’agent double en échange d’une arme à feu CZ Scorpio EVO ES1 et d’un chargeur à haute capacité.

Malgré ces trois transactions fructueuses, le résidant de Delson affirme que le trafic d’armes « n’est pas si payant », selon le résumé des faits présenté à la cour. Il le fait uniquement pour rembourser une somme d’argent « à certains individus qui menacent de s’en prendre à son père », dit-il. Il admet également avoir eu des problèmes de consommation dans le passé.

Jérémie Lamontagne prendra vraisemblablement le chemin du pénitencier. Une peine de six ans d’incarcération est suggérée par la procureure, Me Ève Malouin, et l’avocat de la défense, MPhilip Schneider.

Ses complices Marc-André Lefebvre et Jonathan Lavigne, ont également plaidé coupable dans ce dossier.

Daniel Zoe Kot Charléus, proche du chef de gang Jean-Philippe Célestin, est leur présumé complice. Le procès de l’homme de 28 ans est prévu pour la mi-novembre.