Inspiré par des vidéos de piétons heurtés, un autiste qui refusait de prendre ses médicaments antipsychotiques a délibérément fauché un cycliste et une piétonne sous le coup de la colère en 2020 à Brossard. Radoslav Guentchev avait toutefois un « jugement diminué », selon les experts. Il a été condamné à 12 ans de prison vendredi.

Deux morts « arbitraires et tout à fait insensées ». C’est ainsi que le juge François Dadour a résumé les crimes « gravissimes » commis par Radoslav Guentchev, le 7 septembre 2020. La piétonne Huiping Ding et le cycliste Gérard Chong Soon Yuen n’ont eu aucune chance. Ils étaient malheureusement au mauvais endroit au mauvais moment.

Pourquoi Radoslav Guentchev a-t-il commis un tel crime ? Tout simplement parce qu’il avait été réprimandé par son père pour ne pas avoir tiré la chasse d’eau de la toilette. Furieux, il a alors pris le volant de la voiture de son père – il avait un permis valide – et a foncé sur d’innocents citoyens.

Il a d’abord accéléré pour heurter le cycliste sur l’avenue Niagara, à Brossard, puis trois minutes plus tard, il a donné un coup de volant pour changer de direction de façon draconienne dans le but de happer une piétonne sur le trottoir. Les deux victimes lui étaient complètement inconnues.

Accusé de meurtres non prémédités, Radoslav Guentchev a plaidé coupable vendredi à deux chefs d’accusation réduits d’homicide involontaire et à deux chefs de délit de fuite mortel. Le juge François Dadour a ensuite entériné la suggestion commune de 12 ans d’emprisonnement, dont il reste un peu moins de 9 ans à purger.

« Problématiques significatives »

Le profil psychiatrique de l’accusé est au cœur de cette cause très particulière. L’homme de 32 ans présente en effet un trouble du spectre de l’autisme, un trouble psychotique récurrent, une déficience intellectuelle légère, un trouble anxieux d’allure obsessionnelle et un trouble déficitaire de l’attention.

Selon le psychiatre Louis Morissette, la cause du crime est essentiellement liée au trouble du spectre de l’autisme et à la déficience intellectuelle légère de l’accusé. Ces deux « problématiques significatives » et des éléments paranoïdes « ont entravé de façon significative la capacité de raisonnement, la capacité de gérer des émotions intenses et la prise de décision » de l’accusé, a conclu l’expert de la défense.

Radoslav Guentchev ne voulait pas tuer les piétons, estime le DMorissette. « Ce n’est pas une décision réfléchie dans un esprit fonctionnel habituel et normal », a affirmé le DMorissette pendant l’audience. Son esprit était « altéré » et son jugement « perturbé », mais pas suffisamment pour être incapable de distinguer le bien du mal.

Pour Radoslav Guentchev, foncer sur des citoyens était une « façon d’exprimer sa colère » contre son père, a poursuivi le psychiatre.

Puisque dans les vidéos qu’il visionnait, les gens ne mouraient pas, l’accusé ne pensait pas tuer les personnes dans la « vraie vie », selon le DMorissette.

L’expert de la poursuite, le psychiatre Sylvain Faucher, arrive à des conclusions similaires, à savoir que la capacité de Radoslav Guentchev d’apprécier les conséquences de ses gestes a pu être « altérée » par sa colère. Le DFaucher souligne également que l’accusé a été « inspiré » par des vidéos montrant des automobilistes heurter des passants.

« Je suis d’avis que la preuve indique une capacité de jugement suffisamment diminuée chez M. Guentchev pour que le portrait psychique globale réduise son degré de culpabilité morale. J’estime que ce facteur joue un rôle important dans la peine infligée, malgré les faits gravissimes aux conséquences catastrophiques pour les familles des victimes », a ainsi conclu le juge Dadour.

Arrêt de la prise de médicaments

Le juge relève toutefois comme facteur aggravant le fait que l’accusé a volontairement cessé de prendre ses médicaments antipsychotiques pour des motifs « dérisoires ». Ces médicaments lui permettaient de mieux gérer les émotions intenses. Son père et sa grand-mère l’ont cependant encouragé à ne plus les prendre.

Quelques mois avant le drame, Radoslav Guentchev était pourtant suivi par la Commission d’examen des troubles mentaux (Tribunal administratif du Québec) parce qu’il avait été déclaré non criminellement responsable de certains crimes. Or, la Commission a décidé de le libérer en 2019, comme il était stable et prenait bien ses médicaments.

« Quand il ne prend pas sa médication, ça fait une explosion. Et il peut devenir agressif, souvent envers moi », a raconté sa mère à la cour. Celle-ci a confié à quel point son fils s’était difficilement adapté à la société québécoise à la suite de leur départ de Bulgarie pendant son enfance. Puis, pendant la pandémie de COVID-19, il s’est enfermé, terrorisé par la maladie.

Aujourd’hui, elle dit revoir son fils d’avant, depuis qu’il prend ses médicaments en détention. « Ses émotions sont beaucoup plus stabilisées. Il est plus en contrôle de lui-même », se réjouit-elle.

Radoslav Guentchev s’est d’ailleurs brièvement adressé à la cour : « Je m’excuse vraiment pour ce que j’ai fait. Je regrette beaucoup. Je vais prendre mes médicaments », a-t-il dit.

Il lui sera interdit de conduire pour le restant de ses jours.

Me Rémi Quintal a défendu l’accusé, alors que MMarie-Josée Thériault représentait le ministère public.