Un homme, habitué à la détention pour des affaires de violence, a été accusé du meurtre au premier degré de son ex-conjointe, dans ce qui est apparemment le 8féminicide de l’année. Une situation qui demande une révision des services de probation, selon des organismes en violence conjugale.

Hosea Puhya aurait poignardé à mort Gisèle Itale Betondi, la mère de ses trois enfants, jeudi dans un stationnement d’un immeuble résidentiel dans l’arrondissement de LaSalle. L’homme de 50 ans a été accusé de meurtre au premier degré au palais de justice de Montréal vendredi après-midi.

Il avait déjà passé quelques mois derrière les barreaux en lien avec des accusations pour des crimes violents, notamment à l’endroit de son ex-conjointe. Déjà quatre dossiers criminels sont enregistrés à son nom au palais de justice de Montréal. Certains ayant toutefois mené à des acquittements.

En décembre 2021, Hosea Puhya avait été accusé de menace de mort ou lésions corporelles visant Gisèle Itale Betondi, indiquent des documents judiciaires consultés par La Presse. L’homme a été acquitté en juin dernier. Il a cependant été détenu plusieurs mois au cours du processus judiciaire.

En février, il avait été accusé de voies de fait et de vol contre une autre femme. Son procès devait se tenir le 1er novembre prochain. L’homme aurait également commis des non-respects des conditions pour lesquelles il a été accusé et incarcéré en janvier dernier. Il a contesté sa détention en appel devant la Cour supérieure qui a accepté de le libérer le 12 août avant son procès, qui devait avoir lieu quelque trois semaines plus tard.

Évaluation des risques

Le cas est « assez troublant » puisque Hosea Puhya était connu du système judiciaire, souligne Louise Riendeau, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. « Est-ce qu’on avait évalué les risques que cet homme comportait pour cette femme et pour ses enfants ? », se demande-t-elle.

Au Québec, depuis quelques années, il est possible qu’au moment de la mise en liberté, les services de probation évaluent les conjoints pour voir si c’est une bonne idée de les remettre en liberté et sous quelles conditions. La procédure n’est pas systématique. Il faut que la Couronne le demande et que la défense soit d’accord.

Louise Riendeau

Selon Louise Riendeau, les juges devraient avoir le pouvoir d’imposer ces évaluations. « Il y a des conjoints qui ne respectent pas les limites que les victimes et le système judiciaire imposent. Il faut évaluer à qui nous avons affaire », affirme-t-elle.

8féminicide présumé de l’année

Jeudi matin, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a reçu un appel signalant une personne blessée par arme blanche dans l’arrondissement de LaSalle, à l’intersection des rues Oblats et Wanklyn. Gisèle Itale Betondi a été retrouvée inconsciente et dans un état critique par les autorités, affirme Caroline Chèvrefils, porte-parole du SPVM. La mère de 29 ans a succombé à ses blessures dans un centre hospitalier à Montréal.

Hosea Puhya, aurait agressé par arme blanche la mère de ses trois enfants, puis aurait pris la fuite avant l’arrivée des policiers. Plus tard, dans la soirée de jeudi, les agents l’ont arrêté pour homicide. Il sera détenu jusqu’en octobre avec l’interdiction de communiquer avec ses enfants, d’ici à ce que les procédures judiciaires se poursuivent.

Il s’agirait du 8féminicide dans la province cette année. Le Québec en avait recensé 21 en 2020, un nombre record. « Huit féminicides en un peu plus d’une demi-année, c’est beaucoup », note Louise Riendeau. Chaque année, la moyenne tend à une dizaine de féminicides, ajoute-t-elle.

Si un contrevenant ne respecte pas les limites qu’on lui a imposées au moment de sa liberté, il faut que la victime soit informée qu’elle peut reporter plainte, que les autorités agissent et que l’homme soit ramené devant le tribunal rapidement, insiste Louise Riendeau.

Les femmes sont parfois réticentes à collaborer avec la justice, craignant que la situation avec leur conjoint ne se détériore, souligne-t-elle. « Les proches peuvent être aidants, mais des sources spécialisées peuvent parfois mieux informer et soutenir les victimes. » Pourtant, Gisèle Itale Betondi s’était plainte à la police et vivait avec ses trois enfants chez une amie depuis les derniers mois, ont confié des proches à Radio-Canada.

Dans un communiqué de presse publié vendredi, l’Alliance des maisons d’hébergement de 2étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale demande aux politiciens de faire de la violence conjugale un enjeu central de la campagne électorale.

« Des lacunes au niveau de l’analyse de dangerosité du conjoint au moment de la remise en liberté et de l’implantation de mécanismes de protection cohérents comme le bracelet anti-rapprochement ont failli à madame Betondi », peut-on lire.