En poignardant à mort Laurie, 13 ans, François Tartamella voulait «déposséder» son ex-conjointe de sa fille, à l'instar de cette dernière, qui voulait la garde de leurs deux jeunes fils.

C'est du moins l'hypothèse du psychiatre Sylvain Faucher, qui a témoigné mardi au procès de François Tartamella, accusé des meurtres non prémédités de son ex-conjointe Emmanuelle Phaneuf et de la fille de cette dernière, Laurie, au palais de justice de Longueuil.

«Tu me prends les enfants, je te prends la tienne», a illustré le Dr Faucher, rappelant que l'accusé se souvient d'avoir attaqué Laurie en premier, le matin du 4 novembre 2011.

Appelé en contre-preuve par la Couronne, le Dr Faucher a mis en doute les conclusions de la psychiatre Marie-Frédérique Allard, qui a témoigné pour la défense la semaine dernière. Selon la Dre Allard, François Tartamella était dans un état de psychose et de dissociation lorsqu'il a poignardé ses victimes et ne pouvait distinguer le bien du mal. L'accusé a dit que, le matin du drame, une «voix intérieure» lui a dit de se tuer, puis lui a ordonné de poignarder Laurie.

Le psychiatre Sylvain Faucher, qui a rencontré François Tartamella pendant 3h30 cet été, doute que ce dernier ait souffert de dissociation et d'hallucinations auditives lorsqu'il a commis les gestes qui lui sont reprochés. La lettre de six lignes que l'accusé a écrite sur son ordinateur le matin du drame tend selon lui à le démontrer. La police a récupéré le document même si Tartamella a fermé son ordinateur sans l'enregistrer.

Présentée par la défense comme une lettre de suicide, cette lettre serait plutôt «homicidaire-suicidaire», selon le Dr Faucher. Tartamella y parle de son ex-conjointe au passé, demande à sa famille de s'occuper de ses fils (et non à son ex-conjointe) et évoque le fait que ses fils sont toujours en vie. «Comment peut-on écrire une lettre entre 5h48 et 6h09 qui prédit la suite des choses? a demandé le psychiatre. La prédiction invalide la dissociation et les hallucinations auditives.»

Selon le Dr Faucher, les hallucinations auditives décrites par l'accusé sont plutôt «atypiques». «La plupart des gens qui entendent des voix demandant de faire du mal vont y résister; c'est par harassement qu'ils vont céder», a-t-il souligné, rappelant que les hallucinations décrites par l'accusé étaient peu fréquentes.

À ses yeux, la dissociation que l'accusé aurait présentée est aussi «atypique». Une personne qui vit une dissociation ne peut percevoir ce qui se passe autour d'elle, a-t-il souligné. Or, François Tartamella a perçu ses fils (âgé d'un an et de trois ans) lorsqu'il poignardait Emmanuelle et il est allé chercher un deuxième couteau lorsque le premier s'est cassé. Le psychiatre juge par ailleurs « très improbable » que l'accusé ait eu des idées délirantes lors du drame.

Enfin, le Dr Sylvain Faucher estime que l'accusé présente un trouble de personnalité «narcissique hypervigilent ». Ces personnes redoutent les reproches parce qu'on s'attaque à leur estime, qui n'est pas très bonne.

En contre-interrogatoire, le Dr Faucher a admis qu'il ne peut exclure que François Tartamella ait souffert de dissociation le jour du drame, bien que cette hypothèse lui semble peu probable. Me Patrick Davis, qui représente l'accusé, a rappelé que son client suivait actuellement un traitement antipsychotique. Si l'accusé souffre de psychose aujourd'hui, il est probable qu'il présentait des éléments de psychose dans le passé, a convenu le psychiatre.

Les onze jurés entendront mercredi les plaidoiries des deux parties. Puis, le juge André Vincent leur donnera des directives avant de les inviter à délibérer.