La fausse facturation dans les allocations de dépenses de Jocelyn Dupuis était connue et acceptée à la FTQ. C'était la structure adoptée par l'exécutif. Mais c'était pour le bien-être des travailleurs.

C'est ce que Alain Pigeon, ex-secrétaire de la FTQ-Construction, est venu dire ce matin, au procès de fraude de M. Dupuis, ex-directeur général de la FTQ-Construction. «M. Dupuis, je le connais depuis dix ans. Il n'a jamais gardé une cenne noire pour lui», a fait valoir M. Pigeon, qui dit aujourd'hui être propriétaire d'une entreprise de gestion immobilière. Il a quitté la FTQ-Construction en 2009, tandis que M. Dupuis est parti en novembre 2008. 



Selon le témoignage de M. Pigeon, le travail d'un haut dirigeant syndical se passe beaucoup dans les restaurants. La stratégie est de manger avec les employeurs pour qu'eux passent le message auprès des travailleurs. Le but est d'attirer le plus de membres possible dans le syndicat, pour lui donner de la force. 

En 2005 et 2006, M. Pigeon venait de fonder un nouveau local syndical pour les ferblantiers. Les moyens financiers étaient limités. Il pouvait payer des déjeuners et des soupers avec des hamburgers steaks, mais ne pouvait se permettre des grands repas dispendieux. Il se souvient que Jocelyn Dupuis lui a donné de l'argent comptant à deux reprises, pour défrayer des repas pris avec des employeurs. M. Dupuis insistait pour que ce soit le syndicaliste qui paie le repas de l'employeur, et non le contraire. Et M. Pigeon assure qu'il n'avait pas besoin de remettre les factures de restaurant comme preuve.  C'était basé sur «la confiance», assure M. Pigeon.

La fausse facturation aurait aussi servi en d'autres occasions, comme par exemple payer les dépenses de travailleurs qui venaient aider à assurer la sécurité ou à manifester sur des piquets de grève. On leur payait l'essence et les repas. L'argent comptant était aussi utilisé pour acheter des 2X4 qui avaient deux fonctions : tenir les pancartes, et servir de moyen de défense. Il a donné l'exemple de 150 personnes venues par autobus qui voulaient occuper les locaux de la FTQ-Construction à un certain moment. Il fallait des hommes et des 2X4 pour les empêcher d'entrer, a-t-il illustré.

Déjà prévus

En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne a exhibé un rapport financier de la FTQ-Construction, qui démontre que des postes de dépenses sont déjà attribués pour les manifestations, négociations, et support aux affiliés. Il n'y avait donc nul besoin de faire des fausses factures de restauration.  M. Pigeon a répondu qu'il fallait de l'argent rapidement pour payer les gars qui se présentaient, et qu'il s'agissait peut-être «d'une méthode comptable.»

Le procès se poursuit.  Rappelons que M. Dupuis est accusé de fraude et fabrication de faux documents. On lui reproche d'avoir gonflé ses allocations de dépenses en 2007 et 2008, alors qu'il était directeur général de la FTQ-Construction. Selon M. Pigeon, ce n'est pas la FTQ-Construction qui a porté plainte contre M. Dupuis.