Pour la police, c'est un tueur dangereux qui a agi de sang-froid. Pour plusieurs membres de sa famille, qui ont préféré l'écarter de leur vie depuis longtemps, il est irrécupérable. Pour ceux qui ont travaillé avec lui ces dernières années, c'était un homme fiable, protecteur, voire «doux comme un agneau». Qui est donc réellement Michel Duchaussoy, cet homme accusé d'avoir assassiné sans raison précise le chauffeur de taxi montréalais Ziad Bouzid, le 20 novembre dernier? La Presse a enquêté.

23h45, le 19 novembre dernier. Le téléphone sonne chez Taxi Diamond, rue Lajeunesse.

Un homme aux propos confus réclame une voiture au Tim Hortons du 10592, chemin de la Côte-de-Liesse, près de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

Des sources policières affirmeront plus tard que l'homme descendait tout juste d'un autobus de la STM. Il voulait en tuer le chauffeur, mais avait abandonné son plan parce qu'une femme se trouvait au volant.

Ziad Bouzid, un chauffeur d'origine algérienne, père de trois enfants, répond à l'appel.

Ce sera son dernier.

Vers 0h15, la Hyundai Sonata qu'il conduit emboutit violemment une voiture garée en bordure de l'avenue Darlington, près du chemin de la Côte-Sainte-Catherine, dans le quartier Côte-des-Neiges.

Quand les secouristes arrivent, quelques minutes plus tard, ils s'attendent à trouver derrière le volant un homme blessé à la suite de l'impact. Ils découvrent plutôt un homme qui a reçu une décharge de fusil de chasse à bout portant, à la tête. Il est trop tard pour sauver Ziad Bouzid, 45 ans.

Le tueur, lui, a filé.

Mystifié par ce crime d'une grande brutalité, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) déploie rapidement un maximum d'enquêteurs et de policiers pour traquer le tueur.

Le lendemain, une femme se présente aux enquêteurs. Selon nos sources, elle prétend s'être trouvée dans le taxi lors du meurtre et mentionne que le tueur avait annoncé qu'il tirerait de nouveau et ferait un carnage s'il était coincé par les policiers.

Près de 36 heures après le crime, le SPVM diffuse l'identité du suspect recherché: Michel Duchaussoy, 43 ans, considéré comme armé et très dangereux.

Photo David Boily, La Presse

Ziad Bouzid

Jusqu'à tout récemment, Duchaussoy y habitait, avenue Darlington, à 50 m du lieu où a été commis le meurtre. On croit qu'il peut se cacher dans le secteur.

D'autres policiers le cherchent dans les bâtiments d'un verger de Mont-Saint-Hilaire, où il a déjà travaillé.

Mais ce sont finalement les policiers de Longueuil qui lui mettent la main au collet, le soir du 21 novembre. Il est à Boucherville, dans un secteur industriel. Il se dirige apparemment, à pied, vers le poste de la Sûreté du Québec de la rue Nobel, pour se rendre. Il ne résiste pas.

Le surlendemain, Michel Duchaussoy est accusé de meurtre non prémédité. Jusque-là, son casier judiciaire ne comptait qu'une cause de voie de fait simple, en 1994, à Québec.

Dans les jours qui suivent le meurtre de Ziad Bouzid, quelques théories circulent. Les collègues de l'homme abattu et les membres de la communauté musulmane, qui lui ont dit adieu au Centre islamique du Québec, avant le rapatriement de son corps dans son Algérie natale, craignent qu'il s'agisse d'un crime haineux, dans le contexte tendu causé par la Charte des valeurs québécoises.

Selon les enquêteurs, il n'en est rien. Qui plus est, la femme de M. Duchaussoy est tunisienne. La thèse du vol, quant à elle, n'a jamais été considérée.

Le commandant de la division des crimes majeurs du SPVM, Patrice Carrier, a affirmé à l'époque que le crime était purement gratuit et que M. Duchaussoy ne semblait pas souffrir de problèmes psychiatriques.

L'homme avait récemment perdu son emploi. Il se trouvait plus ou moins sans domicile et était, ce jour-là, dans un état de rage profonde, raconte une source près de l'enquête. Rage contre qui? Difficile de le dire.

Contrairement à la police et à la veuve de Ziad Bouzid (voir autre texte), plusieurs de ceux qui ont connu M. Duchaussoy croient impossible qu'il ait commis ce crime, à moins qu'il ait été profondément troublé à ce moment.

Toujours détenu, l'accusé sera de retour devant le tribunal le 28 mai.