Poteaux plantés dans les cours, filets de sécurité, brouillage d'ondes, gardiens armés... Tout est sur la table pour régler les problèmes de sécurité dans les 19 prisons du Québec et prévenir des évasions comme celle d'Orsainville.

La Presse a en effet appris que la direction des Services correctionnels et le syndicat des agents de la paix vont bientôt s'asseoir à la même table pour cerner tous les problèmes dont souffre le réseau et les régler une fois pour toutes.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, un tel comité n'avait jamais été mis sur pied avant la retentissante évasion de Québec. Seul un comité local de santé employeur-syndicat existe dans chacun des établissements québécois, et les discussions portent rarement sur la sécurité. De plus, aucun agent des services correctionnels n'est affecté à la Division de la sécurité dans les prisons, chargée de se pencher sur toutes ces questions au ministère de la Sécurité publique, a-t-on appris.

«Depuis le début de toute cette affaire, les agents correctionnels ont agi de façon professionnelle avec les outils qu'ils avaient. Je trouve dommage qu'on leur jette la pierre sans connaître tout le contexte. Il faut maintenant leur donner les outils et regagner la confiance de la population», affirme Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Beaucoup d'intentions

Direction et syndicat créeront bientôt un comité charger de cerner tous les problèmes de sécurité dans les prisons et d'y trouver des solutions. Rien n'est exclu et les mesures seront adaptées à chacun des établissements. Il est question de planter des poteaux dans les cours, comme on le fera vraisemblablement à Orsainville, ou d'installer de filets de sécurité, comme on l'avait envisagé dans la foulée de la tentative d'évasion en hélicoptère ratée de Benjamin Hudon-Barbeau, en mars 2013 à Saint-Jérôme.

Les téléphones cellulaires entrés illégalement dans les prisons sont une véritable plaie et l'installation de brouilleurs d'ondes sera à l'ordre du jour.

L'épineuse question des armes pour les agents québécois, qui n'ont pas ce privilège accordé à leurs collègues fédéraux, sera aussi soulevée, mais ne fera pas nécessairement l'objet d'une revendication. «La présence d'armes dans les prisons crée d'autres problèmes de sécurité, mais on va examiner ce qui se fait au fédéral», explique Mathieu Lavoie.

Une autre priorité à la table des discussions sera la formation. Ainsi, le gardien qui a assisté, impuissant, à la fuite de Pomerleau, Lefebvre et Denis ignorait comment utiliser les caméras pointées vers la cour et qui n'ont capté que la queue de l'appareil.

«Au cours des dernières années, il y a eu beaucoup de changements technologiques. C'est important de pouvoir suivre ces changements-là. On ne veut pas de confrontation avec l'employeur. On veut travailler ensemble pour que le milieu carcéral soit sécuritaire», assure le chef syndical.

Des caméras « peu conviviales »

Les agents de la paix en services correctionnels du Québec n'ont suivi aucune formation pour contrôler les caméras dans les 19 établissements carcéraux québécois, déplore le syndicat.

Pire, en plus de manoeuvrer les caméras, les gardiens doivent parfois faire plusieurs choses en même temps quand un incident se produit, comme la triple évasion de Québec.

Cela pourrait expliquer pourquoi les caméras d'Orsainville n'ont filmé que la queue de l'hélicoptère, privant ainsi la Sûreté du Québec des précieuses images du pilote.

Dans son mirador, l'agent correctionnel qui surveillait la cour de visu et avec l'aide d'un écran multiplexeur relayant les images de plusieurs caméras a dû d'abord réaliser ce qui se passait, sonner l'alerte, prévenir le centre opérationnel de la prison sur sa radio et orienter les caméras vers l'hélicoptère à l'aide d'un ordinateur muni d'une souris très sensible. L'évasion se serait déroulée en moins d'une minute.

L'agent de garde ce jour-là avait beau avoir moins d'un an d'expérience, cela n'aurait rien changé s'il avait été plus aguerri, affirme le président du Syndicat des agents en services correctionnels du Québec, Mathieu Lavoie.

«Le système n'est pas convivial. Que le gardien soit jeune ou vieux, s'il n'a pas reçu la formation et ne connaît pas le système, cela ne change rien. Il est essentiel d'avoir le mode d'emploi», dit-il.