Problèmes dans l'octroi des contrats. Risque de conflit d'intérêts. Le contrôleur général de Montréal a repéré d'importantes lacunes au sein d'un organisme paramunicipal de Montréal, Anjou 80. Son président, Luis Miranda, réfute les conclusions de cette enquête, y voyant une « commande » de l'ex-maire Denis Coderre.

En 2015, le contrôleur général de Montréal a entrepris une vérification du fonctionnement de la Corporation Anjou 80, un organisme paramunicipal gérant des logements sociaux pour le compte de cet arrondissement de l'est de l'île. Le rapport d'enquête, obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, soulève des inquiétudes sur la présence d'élus et de fonctionnaires au conseil d'administration de la société, présidée par le maire d'Anjou, Luis Miranda.

Le contrôleur y a vu un risque de conflit d'intérêts. « Nous croyons que tout employé ou élu qui siège sur un conseil d'administration dans le cadre de ses fonctions peut se placer en situation de conflit d'intérêts, son devoir et ses responsabilités étant envers l'organisme et non la municipalité qu'il représente », peut-on lire dans le rapport daté de janvier 2016.

Un bras de fer juridique s'est enclenché quand, en février 2016, Montréal a décidé de nommer quatre nouveaux membres au conseil d'administration d'Anjou 80. La société paramunicipale s'y est opposée, mais en juin 2017, la Cour supérieure a donné raison à Montréal. La société a toutefois porté le dossier en appel. Les deux parties ont déposé leur mémoire et sont en attente d'une date d'audition, plus tard cette année. Luis Miranda rejette le constat du contrôleur.

« On est élus pour administrer. Et comment peut-on dire cela alors que la Ville de Montréal nomme des élus au conseil d'administration de la STM ou de Montréal International ? [...] C'était un rapport biaisé, fait à la demande de [l'ex-maire Denis] Coderre. »

- Luis Miranda, maire d'Anjou et président d'Anjou 80

APPELS D'OFFRES PROBLÉMATIQUES

Le contrôleur s'est également intéressé à l'octroi des contrats, notamment ceux accordés à l'entreprise Alarmes Techno-Logik. Celle-ci est dirigée par Éric Miranda, fils du maire Luis Miranda. Le contrôleur en vient à recommander de « modifier le Code d'éthique en prévoyant qu'aucun contrat ne peut être octroyé à un membre du conseil d'administration ou à toutes personnes lui étant liées, directement ou indirectement ».

Luis Miranda estime que ces contrats ont été accordés dans les règles puisqu'il s'est retiré lors des délibérations.

L'enquête s'est aussi intéressée à l'entreprise Premium, de l'entrepreneur Frank Puma. Celui-ci a reçu pour 590 000 $ d'Anjou 80 entre 2013 et 2015. « Puisque les paiements annuels sont supérieurs à 100 000 $, nous nous serions attendus à retrouver, au SEAO, des informations relatives à des processus d'appels d'offres publics », note le contrôleur. Un seul appel d'offres a pourtant été trouvé, en 2015.

L'entreprise a remporté deux appels d'offres sur invitation, en 2012 et 2013, un processus normalement réservé pour les contrats de moins de 100 000 $. Interrogés par le contrôleur général, « les représentants d'Anjou 80 ont reconnu avoir enfreint la [loi] et leur politique d'achat interne ». C'est pour corriger le tir qu'ils ont justement lancé en 2015 l'appel d'offres, exercice finalement remporté par Premium.

Même si l'entreprise a conservé le mandat, le contrôleur constate que « cet appel d'offres a eu l'effet escompté, puisque les taux horaires lors de l'année 2015 ont diminué, en moyenne, de 16,4 % par rapport à ceux en vigueur en 2014 ». En entrevue, Luis Miranda a attribué cette problématique au fait que de nombreux logements, occupés par les mêmes personnes depuis plus de 30 ans, ont commencé à être libérés. Ils nécessitent d'importants travaux pour être remis à jour, ce qui a fait augmenter la quantité de travaux. Anjou 80 a ainsi entrepris de lancer des appels d'offres après avoir observé ce phénomène.

ANJOU 80 EN BREF

Anjou 80 a été fondée en 1980 par l'ancienne ville du même nom afin d'acquérir des logements. Un seul projet a toutefois vu le jour, soit l'acquisition des Résidences Neuville, composées de 9 bâtiments comptant un total de 551 logements. Leur entretien est assuré par une équipe de 18 employés et 3 cadres. Le budget annuel de l'organisation s'élève à 3,7 millions, selon ses plus récents états financiers.