L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a rencontré beaucoup de résistance de la part des avocats de Dunton Rainville pour mener à bien son enquête sur les compteurs d'eau. Une renonciation à invoquer le privilège avocat-client de la part de la Ville de Montréal n'a pas suffi, forçant du coup la police à perquisitionner dans le cabinet.

Dans une déclaration sous serment afin d'obtenir le mandat de perquisition exécuté le 6 août dernier, l'UPAC relate avoir essuyé un refus pour une rencontre avec les avocats François Guimont et Bernard Mahoney en mars 2015. Me Mahoney, qui a travaillé pendant 20 ans au contentieux de la Ville de Montréal, a participé à la rédaction du contrat des compteurs d'eau.

Me Mahoney et son collègue ont invoqué le secret professionnel qui les lie à leur client : « Nous sommes contraints de décliner votre invitation à une rencontre à vos bureaux. »

Pourtant, deux mois plus tôt, le directeur général de Montréal, Alain Marcoux, avait transmis à l'UPAC une lettre attestant la volonté de la Ville de collaborer pleinement en libérant les avocats de Dunton Rainville de leur secret professionnel.

Ces détails sont relatés dans le document judiciaire dont une partie a été libérée hier d'une ordonnance de non-publication à la suite de démarches de la part d'un groupe de médias, dont La Presse.

Il semble que l'UPAC se soit également butée à un mur lorsqu'elle a sollicité Me François Morin, avocat de la firme de génie Tetratech, une filiale de BPR. Cette firme a orchestré le contrat des compteurs d'eau au nom de la Ville de Montréal. C'est aussi elle qui a donné à Dunton Rainville le contrat intitulé « Service d'assistance pour les aspects juridiques et préparation d'un contrat à obligation de performance ».

Ce contrat est l'un des éléments sur lesquels l'UPAC voulait mettre la main en procédant à une perquisition dans les bureaux de Dunton Rainville. De plus, l'UPAC cherchait les factures reliées au contrat, l'état des revenus et des dépenses, la correspondance des avocats impliqués dans le dossier ainsi que la comptabilité du projet.

L'UPAC explique avoir des soupçons d'abus de confiance, de faux, de fraude et de complot dans ce dossier d'enquête appelé Fronde. Ces allégations n'ont toutefois pas été testées devant une cour de justice jusqu'à maintenant.

FINANCEMENT D'UNION MONTRÉAL

Soulignons également que Fronde ne se limite pas au contrat des compteurs d'eau. Cette enquête vise également le financement du parti Union Montréal par des entreprises de génie, d'architecture et de construction, par exemple, l'attribution planifiée des contrats de Montréal et l'utilisation de ce système collusionnaire pour obtenir du financement pour la FINA (championnat de natation 2005). Un dernier élément de l'enquête demeure toutefois inconnu, puisque l'information est caviardée.

Le document judiciaire fait état des informations recueillies de différents témoins, dont plusieurs reconnaissent avoir participé activement au partage des contrats. Il est notamment mentionné que le système aurait été dirigé par le bras droit du maire Gérald Tremblay, Frank Zampino. C'est ce dernier qui aurait planifié l'attribution des contrats de la Ville de Montréal de concert avec son ami Bernard Trépanier (collecteur de fonds pour Union Montréal) et des représentants des firmes de génie, dont SNC-Lavalin, Dessau, Cima+, Genivar, Tecsult, BPR et Groupe Séguin.

En contrepartie des contrats obtenus par la collusion, ces firmes auraient versé des centaines de milliers de dollars en financement politique par l'entremise de Bernard Trépanier, dont le surnom, à cause de ce système, était « Monsieur 3 % ».