La Ville de Montréal a dépensé plus de 155 000 $ en publicités et production de capsules vidéo afin de convaincre les Montréalais de la nécessité de procéder au déversement de milliards de litres d'eaux usées dans le Saint-Laurent.

14 000 $ pour trois capsules vidéo

Le 12 novembre dernier, le maire Coderre est descendu dans l'intercepteur sud-est et y a passé une trentaine de minutes afin de constater de visu son état vétuste. Un caméraman de l'entreprise Trio Orange l'a accompagné et des images ont été remises aux médias pour diffusion quelques heures plus tard.

La veille, des médias (dont La Presse) avaient proposé de faire un « pool », soit de mandater un caméraman ou un photographe qui redistribuerait les images à tous par la suite, sans frais pour la Ville. Dans le cadre de ce contrat, une vidéo d'une durée de 2 min 35 s où deux fonctionnaires de la Ville expliquent pourquoi les travaux sont nécessaires et une vidéo de 1 min 24 s montrant l'arrivée du tunnelier de Rosemont (survenue la même semaine) ont aussi été produites. Coût du tournage et de la production : 14 000 $.

Réaction de la Ville

Qu'est-ce qui justifie une telle dépense auprès des contribuables ? « La Ville de Montréal a exigé, pour ce tournage, ainsi que celui du tunnelier, d'avoir un caméraman d'expérience qui possédait sa certification de travail en espace clos, ainsi que le matériel nécessaire. Il s'agissait, dans les deux cas, de tournages très techniques, pour lesquels cette formation a été exigée pour des raisons de sécurité. La Ville suit les principes de sécurité des normes du travail et de la CSST, qui exigent des formations particulières », a répondu, dans un courriel, Geneviève Dubé, porte-parole de la Ville de Montréal. Selon Mme Dubé, le tournage s'est échelonné sur une semaine. « Il y a eu en effet trois capsules produites pour le public. Toutefois, le tournage servait également à documenter et archiver des images qui seront utiles pour les années à venir ; cela faisait trente ans que nous n'avions pas eu accès à l'intercepteur asséché et la Ville a souhaité documenter ces moments. L'arrivée du tunnelier est également un événement unique, le fruit de plusieurs mois de travail de la part des employés de la Ville », a-t-elle ajouté.

«Aucun bon sens», dit l'opposition

Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances, Guillaume Lavoie, avait déjà qualifié la descente du maire Coderre dans l'intercepteur de « photo op ». Il s'insurge aujourd'hui contre la somme affectée à la documentation de sa descente dans l'intercepteur. « Pour moi, c'est le style Coderre dans ce qu'il y a de plus classique, c'est-à-dire qu'il met toutes les ressources de la Ville et l'argent des contribuables au service de son image », a-t-il déploré. « C'est sûr que quand tu envoies le boss, le chantier arrête. Il a retardé les travaux qui devaient se faire de façon urgente. Le maire voulait se faire prendre en photo et il demande à tout le monde de subventionner son désir », a-t-il ajouté.

141 000 $ en publicités

Le déversement annoncé de 8 milliards de litres d'eaux usées a suscité de vives inquiétudes au sein de la population et plongé l'administration Coderre dans sa première véritable crise depuis le début de son mandat. Afin d'expliquer sa décision, la Ville de Montréal a acheté pour environ 141 000 $ d'espaces publicitaires dans les principaux quotidiens montréalais afin de publier un « mot du maire ». « Je l'ai répété sur plusieurs tribunes, s'il y avait eu de meilleures options, il est certain que nous les aurions considérées. Mais la réalité est que l'option retenue était celle dont l'impact sur l'environnement était le plus faible », écrivait-il dans cette missive.

- Avec la collaboration de William Leclerc

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le maire de Montréal Denis Coderre a visité l’intercepteur sud-est le 12 novembre dernier afin de constater de visu son état vétuste.