La Ville de Montréal avait le droit de réduire ses offres après trois ans de négociations infructueuses avec ses cols blancs, tranche la Commission des relations du travail (CRT). Celle-ci vient de rejeter une plainte pour négociation de mauvaise foi, estimant que c'est le syndicat « qui a risqué la mise et qui a perdu ».

Les négociations pour le renouvellement de la convention collective des cols blancs, échue depuis 2011, piétinent depuis trois ans et demi. Leur syndicat a déposé en janvier dernier une plainte pour négociation de mauvaise foi après la présentation par la Ville de nouvelles offres, jugées moins intéressantes que celles initialement proposées.

La métropole avait présenté en mai 2013 une proposition en vertu de laquelle elle se disait prête à hausser le salaire des cols blancs de 2 % par année pour les années 2012 à 2015, puis de 2,5 % pour 2016 et 2017, en fonction de l'inflation. Seule condition à l'époque, Montréal réclamait que les syndiqués augmentent leur contribution à leur régime de retraite de 2 % par an.

Cette offre avait toutefois été refusée à l'époque par le syndicat, qui disait ne pas avoir de mandat de ses membres pour négocier des changements à leur régime de retraite.

Or, beaucoup de choses ont changé depuis mai 2013. D'abord, le maire Denis Coderre a été élu en novembre 2013. Son administration a annoncé un resserrement dans les finances de la Ville. Un gel d'embauche a rapidement été mis en place, puis une réduction de la masse salariale de 5 % a été annoncée. Autre changement majeur, l'élection du gouvernement libéral de Philippe Couillard, qui a été suivie du dépôt puis de l'adoption d'un projet de loi sur le partage des coûts des régimes de retraite.

En décembre 2014, la Ville de Montréal a donc modifié son offre initiale. Les demandes sur le régime de retraite ont été évacuées au profit de plusieurs nouvelles demandes. La métropole réclame notamment la possibilité de faire davantage appel à la sous-traitance, une réduction des heures d'absence rémunérées et un contrôle plus serré des libérations syndicales.

Signe du changement de ton, la Ville de Montréal a envoyé à la table de négociation son directeur général, Alain Marcoux, une démarche inhabituelle.

DOUCHE FROIDE

Cette nouvelle offre a jeté une douche froide sur le Syndicat des cols blancs. Les représentants syndicaux ont refusé de serrer la main de leurs vis-à-vis lors d'une rencontre, rapporte la décision de la CRT. Quelques jours plus tard, les cols blancs avisaient la Ville qu'ils ne tiendraient pas compte des plus récentes offres, mais s'en tiendraient aux premières.

Devant le refus de Montréal de faire marche arrière, le Syndicat a présenté une requête pour négociation de mauvaise foi en janvier 2015. Avec sa plainte à la CRT, le Syndicat des cols blancs voulait forcer la Ville à négocier en fonction de ses premières offres déposées en mai 2013.

La CRT a toutefois rejeté la demande, estimant que Montréal n'avait pas fait preuve de mauvaise foi. Au contraire, le juge administratif Pierre Flageole blâme plutôt le syndicat. Il souligne que c'est seulement à partir de mai 2014, soit après l'élection du Parti libéral du Québec, que le syndicat s'est montré ouvert à négocier sur la question du régime de retraite. La Ville a toutefois perdu intérêt à négocier sur ce point puisque le gouvernement a clairement indiqué qu'il comptait régler la question des régimes de retraite avec une loi, conclusion qui serait à l'avantage de la Ville. « C'est plutôt le Syndicat qui a risqué la mise et qui a perdu », écrit le juge administratif.

Pour soutenir leur cause, les cols blancs plaidaient que la Ville de Montréal s'est entendue en fonction des anciens paramètres avec le Syndicat des juristes en juillet 2014, soit après l'élection du Parti libéral. La CRT note toutefois que les discussions étaient avancées au moment de l'élection, une entente étant survenue à l'automne 2013, et donc que « les juristes ont pris le train au bon moment ».

ACCUEIL FAVORABLE DE LA VILLE

La Ville de Montréal a accueilli favorablement ce jugement et appelé à une reprise du dialogue avec son syndicat. « La Ville souhaite convenir rapidement d'un calendrier de négociation avec les représentants du Syndicat des cols blancs afin de poursuivre la négociation des nouvelles demandes qui, aux dires du Juge, "n'apparaissent ni illégitimes, ni contraires à une politique d'intérêt public, ni illicites" », a indiqué une porte-parole, Valérie De Gagné.

La convention collective des cols blancs est entrée en vigueur en 2007 et arrivait à échéance en décembre 2010. Elle a toutefois été prolongée d'une année.

Rappelons que les cols blancs ont voté le 21 octobre 2014 pour un mandat de grève générale et illimitée à utiliser quand le syndicat le jugera nécessaire.

Offres de mai 2013

• Augmentations de 2% pour les premières années 2012 à 2015 et de 2,5% pour les années 2016 et 2017, en fonction de l'inflation.

• Conditionnelle à la restructuration du régime de retraite.

Offres de décembre 2014

• Augmentations de 2% pour les premières années 2012 à 2015 et de 2,5% pour les années 2016 et 2017, en fonction de l'inflation. 

• Possibilité de recourir à la sous-traitance.

• Réduction des heures d'absence rémunérées.

• Fin des banques de temps cumulables.

• Suppression de la contribution de la Ville au fonds d'éducation syndicale.

• Contrôle plus serré des libérations syndicales.