Manjit Kaur vit au Canada depuis cinq ans. Elle a demandé l'asile politique, mais ne l'a pas obtenu. Son mari, sikh lui aussi, expulsé au mois de mai, a été victime de torture depuis son retour dans son pays natal. Malgré les craintes de la femme, son expulsion vers l'Inde a été maintenue mercredi soir.

Viol, harcèlement, torture. Dans son témoignage adressé à la Cour fédérale, et que La Presse a obtenu, Manjit Kaur décrit son quotidien terrifiant à Ludhiana, dans la région du Punjab. Des problèmes qui sont dus à la police qui, selon elle, croit que son mari, Daljit Singh, milite dans un mouvement extrémiste.

«J'ai beaucoup souffert et je suis psychologiquement perturbée par tout ce qui m'est arrivé. J'ai été arrêtée et maltraitée en détention, et violée par des policiers soûls. J'ai peur que cela m'arrive de nouveau», peut-on lire. La jeune femme souffre de dépression, d'anxiété et de choc post-traumatique, selon plusieurs médecins québécois.

C'est pour fuir la violence dont elle était victime que Manjit Kaur a demandé, avec son mari, l'asile politique au Canada, en 2006. Le couple a laissé derrière lui ses quatre enfants, qu'ils ont confiés à leur famille. Mais leur demande d'asile a été rejetée, et tous deux ont reçu en mai un avis d'expulsion.

Sous le choc de la nouvelle, la mère de la jeune femme est morte d'une crise cardiaque.

Son mari, expulsé le 16 mai, a de nouveau été victime de torture des policiers. Il vit maintenant caché, rapporte un avocat indien. Joint par La Presse, celui-ci a toutefois refusé de commenter le dossier.

«Je ne sais pas pendant combien de temps je pourrai me cacher. Ma vie est presque finie. J'ai vu mes enfants seulement un jour, dit-il dans une lettre adressée à sa femme et datée du mois de juillet. Tu ne devrais pas revenir. La police demande de tes nouvelles, ils veulent te violer et te tuer.»

Manjit Kaur a obtenu un sursis au début de l'été avant d'apprendre, au début de l'automne, la date de sa nouvelle expulsion. La Cour fédérale a refusé de lui accorder un nouveau sursis, même si elle vient de déposer une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. Et même si son mari a été arrêté arbitrairement dès son retour.

Du côté de l'Agence des services frontaliers, on réplique que les mauvais traitements subis par Daljit Singh après son expulsion ne sont pas différents des événements décrits lors de leur demande d'asile. Ils sont peu crédibles et ne justifient donc pas le fait d'accorder un sursis à la jeune femme. Hier, plus aucun recours légal ne pouvait permettre à Manjit Kaur d'éviter l'expulsion.

Selon l'avocat de Mme Kaur, Stewart Istvanffy, le Canada a violé ses propres lois en renvoyant Daljit Singh vers la torture. Et plutôt que de réparer cette erreur, l'administration envoie une jeune femme vers un sort tout aussi peu enviable. «Pour moi, ça veut dire qu'il y a de graves problèmes. Certains juges de la Cour fédérale trouvent plus important de protéger le système que de respecter notre Charte des droits et libertés. Avec toute la preuve que l'on a apportée sur la torture que son mari a subie, on ne peut être que dépités par la décision de la renvoyer», déplore-t-il.