(Québec) L’étude commandée par les villes pour appuyer leur demande de 2 milliards par année pendant 10 ans pour s’adapter aux changements climatiques est la « plus crédible » à avoir été réalisée au Canada sur le sujet, selon le directeur général d’Ouranos, Alain Bourque. Mais si elles réclament plus d’argent, elles en laissent pourtant sur la table, selon Québec.

Dans ce bras de fer entre les grandes villes et le gouvernement Legault, l’étude commandée par l’Union des municipalités du Québec (UMQ) à la firme WSP revient constamment. Elle estime que le fardeau économique lié à l’impact des changements climatiques pour les villes « se chiffre à environ 2,3 milliards par an environ pour la prochaine décennie ».

L’analyse estime que le coût total des changements climatiques pour les infrastructures municipales d’ici 2080 sera de 72 milliards. Mais même si elle laisse place à « beaucoup d’incertitude », « c’est probablement la meilleure étude qui existe actuellement au Canada », estime Alain Bourque, directeur général d’Ouranos. Il souligne que son organisme a été « aviseur scientifique » de WSP, mais que c’est la firme de génie qui signe le rapport.

En revanche, Québec, qui refuse de donner une pareille somme aux villes, ne dispose pas de prévisions sur ce que la province devrait investir pour se prémunir contre les aléas du climat à venir.

Le cabinet du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, affirme que « les villes demandent des milliards, mais [qu’]elles n’arrivent même pas à dépenser les sommes qui sont déjà disponibles ».

« On leur demande donc de d’abord utiliser les enveloppes existantes pour répondre à leurs besoins, ce qu’elles ne font pas en ce moment », affirme-t-on.

Un OASIS déserté

Dans un message écrit, son cabinet affirme que le programme OASIS, lancé l’an dernier, n’a pas été très populaire, puisque « seulement 800 000 $ ont été octroyés », alors que 4,6 millions avaient été budgétés pour la première année.

« Il y a 112 millions de prévus sur cinq ans et on souhaite que ça serve », fait-on remarquer. Ce programme paie pourtant jusqu’à 80 % « des infrastructures vertes permettant de gérer les eaux de pluie autrement qu’en les dirigeant dans le système d’égouts » et « pour le verdissement qui lutte contre les îlots de chaleur », deux actions clés de l’adaptation aux changements climatiques.

Selon nos informations, l’UMQ a même demandé au gouvernement Legault dans une résolution d’élargir le programme à d’autres mesures vertes, comme l’installation de boîtes à fleurs ou de pistes cyclables, puisqu’elles contribuent à la « résilience » des villes.

Autre exemple soulevé par l’équipe de Benoit Charette : le programme de restauration ou de création de milieux humides a une cagnotte de 113 millions. Or, en date de février, seuls 3,7 millions avaient été alloués. Les villes peuvent pourtant s’en prévaloir, fait-on remarquer.

Par ailleurs, la Ville de Montréal n’aurait pas budgété l’entièreté des 117 millions affectés à son plan climat par Québec, selon un document que La Presse a obtenu. Près de 20 millions n’ont toujours pas été attribués par la ville, qui doit le dépenser d’ici 2026.

Qui va payer ?

Le premier ministre François Legault a soutenu que le gouvernement du Québec investirait près de 1,4 milliard en adaptation aux changements climatiques dans les prochaines années et rappelé que la capacité de payer du citoyen n’était pas infinie.

Ce n’est pas illimité, ce qu’on peut ajouter, autant sur la taxe foncière des municipalités que sur les impôts sur le revenu du gouvernement du Québec. […] On va continuer de faire notre part. Les municipalités aussi doivent faire leur part.

François Legault, premier ministre du Québec

Mais quelqu’un devra payer. « Ça va coûter une beurrée, c’est certain. Ça va coûter très cher », laisse tomber Pierre Valois, président de l’Observatoire québécois de l’adaptation aux changements climatiques.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Bourque, directeur général d’Ouranos

Le patron d’Ouranos, Alain Bourque, affirme que si l’étude de WSP estime le coût des changements, elle ne démontre pas que c’est au gouvernement du Québec de payer toute la facture.

Le professeur Valois souligne quant à lui que l’adaptation aux changements climatiques est très large, et parfois difficile à quantifier. « Il y a l’adaptation des citoyens, l’adaptation des ministères, mais les entreprises aussi devront s’adapter », souligne-t-il.

Très cher

Sans avoir lu l’étude de WSP, M. Valois souligne toutefois que l’ordre de grandeur des montants estimés est plausible. « Quand tu veux faire de l’adaptation à l’érosion côtière, éradiquer des îlots de chaleur en déminéralisant et en plantant des arbres, quand tu refais les égouts, tout ça coûte très cher », dit-il. Sans s’inscrire dans le jeu politique entre l’UMQ et le gouvernement Legault, il estime que ce débat démontre que « tout le monde commence à réaliser qu’on ne peut pas passer à côté de l’adaptation ».

Il souligne par exemple que le ministère de la Santé et des Services sociaux subira aussi des coûts importants. Il cite l’exemple de l’herbe à poux, dont la saison pollinique s’allongera. Une étude d’Ouranos de 2015 estimait que ça pourrait coûter jusqu’à 360 millions en 2065. Et c’est sans compter l’impact du réchauffement de la planète sur des populations défavorisées.

M. Valois croit toutefois qu’il serait intéressant que le gouvernement du Québec fasse une étude pour estimer le coût de l’adaptation aux changements climatiques.

Les Canadiens mal informés des risques liés aux catastrophes naturelles

Même si de grandes inondations se produisent plus fréquemment, les Canadiens demeurent peu informés du risque qu’ils courent et sont donc mal préparés, selon le premier rapport du gouvernement fédéral pour dresser le portrait des risques liés aux catastrophes naturelles. Pourtant, 80 % des grandes villes canadiennes sont situées entièrement ou partiellement dans des zones inondables. Cette première évaluation des risques vise à permettre aux citoyens, aux municipalités et aux gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral de mieux se préparer aux catastrophes à venir. Le rapport identifie d’autres lacunes, dont le manque de coordination entre les ordres de gouvernement pour réagir lors des crues et le fait que « les données et les informations disponibles pour atténuer les risques d’inondation sont disparates et [que] les Canadiens y sont peu sensibilisés. » Cette première évaluation nationale des risques traite des tremblements de terre, des incendies de forêt et des inondations. La prochaine examinera les vagues de chaleur et les ouragans.

Mylène Crête, La Presse

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